Éditions Payot: nouveau site, bons crûs
Chercher un livre d’échecs en français relevait auparavant d’une sinécure. Depuis que les éditions Payot ont relancé leur collection en 1988, la vitesse de croisière annuelle est prise : deux publications, sans compter les réimpressions. Le site vient de faire peau neuve et les échecs ont leur ticket d’entrée. La cinquantaine de titres affichés avec le résumé et la couverture en basse définition sont les titres disponibles en librairie et ne représentent pas l’intégralité des titres publiés chez Payot depuis les années 1930.
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Avec un ancien comme André Chéron, le maître des maîtres des fins de partie, Payot avait débuté fort dans les années 1930. Personnellement, je trouve son manuel d’initiation (en français) assez abscons et ses manuels sur les fins de parties (4 volumes en allemand) très hermétiques et touffus. Mais Chéron reste une référence mondiale. Cela n’enlève rien à la passion de l’homme, reclus en Suisse pour des raisons de santé et par ailleurs champion de bridge. Sa nièce, ancien petit rat de l’Opéra Garnier nous conta quelques anecdotes sublimes à Jean-Pierre Mercier et à moi-même. Ce dernier eut la chance de la rencontrer totalement par hasard en banlieue parisienne lors d’une exhibition échiquéenne.
Revenons à Payot ; cette maison d’édition est au départ un réseau de librairies suisses possédant une libraire pied-à-terre à Paris, boulevard Saint-Germain, en plein Quartier Latin. Payot devient l’éditeur qui traduit le premier Freud en français et reste à ce jour une maison d’édition de référence en sciences humaines.
Les échecs y eurent naturellement leur place sur une petite case, jusqu’à l’explosion islandaise du match Spassky-Fischer de 1972. Payot menait, dans les échecs comme dans les autres domaines, une politique de fonds éditoriaux.
Dans les années 1980 Europe Échecs, la revue de feu Raoul Bertolo jouait alors le rôle de directeur de collection via Sylvain Zinser, polyglotte, traducteur, intermédiaire, et âme technique de la revue bisontine.
Un autre sursaut international allait donner un coup de fouet à ce fonds de livres d’échecs où Euwe côtoie Capablanca, Larsen, Bronstein : sur un coup de téléphone, suite à mes articles dans Libération sur les matches Kasparov–Karpov, Payot me contacta en 1987 (via Laurence Renouf et Dominique Colas) ; après quelques aventures, il y eut rapidement une mésaventure : l’arrêt de la collection se fit en quelques minutes sur une paraphrase de Freud dans la bouche du directeur d’alors, Olivier Cohen. Il purgeait les « petites collections » : « Mon cher Christophe, dans la vie, il y a le principe de plaisir et le principe de réalité. » Ce principe est si répétitif que le même Cohen fut purgé à son tour quelque temps plus tard en remerciement de ses prouesses de gestionnaire. Il dirige aujourd’hui les éditions de l’Olivier. L’année suivante, Payot et Rivages ne faisaient plus qu’un, Rivages apportant dans la corbeille de mariée toute la partie des polars. Je passe sur ‘Bouton, le retour’ en 1991 et salue au passage Jean-Marc Desmarestz et le boss Jean-François Lamunière qui ont rendu possible cette relance de la collection.
En 2007, Payot a publié, réimpressions comprises, plus de 350 livres pour un chiffre d’affaires de 9,3 millions d’euros (capital social 271 000 euros). La maison s’est diversifiée, s’est rationnalisée. Elle conserve toujours dans son bagage culturel le jeu d’échecs. L’objectif de la collection « échecs » n’est pas de tomber dans la mode des livres d’ouvertures vite oubliés, vite démodés. Il s’agit de tendre vers des livres pédagogiques de qualité et vendeurs sur le long terme. Bref, faire du Payot tout en restant moderne ! Cette politique a été complétée par un « rapatriement » de titres en français qui dormaient chez d’autres éditeurs (L’Art du combat, Tartacover vous parle, Comment jouer les fins de partie etc.) ainsi que par la naissance de la collection « de poche » pour les titres et/ou les auteurs les plus populaires.
Pour plus de questions sur la collection, réagir par un commentaire, à vos claviers, je répondrai dans les 72 heures.
Merci à tous les lecteurs, y compris les fidèles qui nous écrivent régulièrement depuis maintenant vingt ans.
Où trouver les livres Payot ?
1) Chez son libraire favori. En insistant parfois. Ne pas oublier que le réseau unique des petites et grandes librairies en France fait vivre l’économie du livre. TVA à 5,5%, sourire compris.
2) Librairies spécialisées. Leur expérience de la vente par correspondance et leur expertise quant aux contenus est chose acquise. Vous rentrez pour un livre. Prévoir le sac Ikéa.
Paris : Damier de l’Opéra, Variantes
Lyon : Académie des jeux
Que les autres librairies spécialisées se manifestent, je ferai un rectificatif !
3) Le marché de l’occasion se trouve principalement sur le Net avec ebay.fr, ebay.be ou sur priceminister.com (moins cher). On trouve de tout, mais au final assez peu de Payot. Un bon signe ?
Vous trouverez aussi de vieilles éditions des Payot chez des libraires spécialisés dans l’ancien ; si la plupart du temps, votre trouvaille sera le fruit du hasard, elle ne le sera pas si vous allez à Paris, près du métro Saint-Michel, quai des Grands Augustins (rive gauche). Un bouquiniste moustachu et passionné vous régalera de ses connaissances ; si vous ne le voyez pas, lui vous verra: il est en face, proche du restaurant O’ Poivrier. Traversez avec attention, sinon les voitures vous mettront échec et mat.
Si je devais emmener deux livres pour une garde à vue très pro
longée, mon choix se porterait sur Tartacover vous parle et sur Les Prix de beauté aux échecs
avec mes parents recueilli près de l’ensemble d’une bibliothèque de livres Payot. Je voudrais, moi aussi, beaucoup d’entre eux ont lu et j’ai beaucoup aimé. Peut-être un jour de retirage? Un beau cadeau pour les fans.
À quand une réédition (corrigée !!!) du Traité de fins de partie de Chéron??
M. Bouton,
Est-il possible d’envisager un jour que la maison Payot traduise les excellents livres d’Edward Winter (Chess exploration, Chess, Facts and fables, etc…) , qui sont des recueil de pépites , que tout bon amateur d’échecs devrait avoir dans sa bibliothèque ?
J’apprécie la collection des livres d’échecs de Payot en partie pour une raison simple et futile : on a l’impression de tenir un beau livre entre les mains (même de petit format) grâce à la couverture (belles photographies de pièces) la qualité du papier et la mise ne page. Rien à voir avec l’ancienne collection Payot : reliure jaune d’assez mauvais qualité et feuilles jaunissantes. Seuls quelques volumes D’Everyman Chess (en Anglais) me procurent autant de plaisir à la lecture.
Il me semble très important de disposer en traduction française des ouvrages fondamentaux, faisant partie du patrimoine échiquéen : Principes Fondamentaux (Capablanca), traité de Tarrasch, Mon Système et les Réti (Je crains toutefois dans ce dernier cas qu’ils ne soient plus édités). C’est un pan de la littérature. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’émotion est aussi au rendez-vous en particulier avec les cours scientifiques de Réti. Il y aussi les finales de Znovsko-Boskovsky qui est le livre le plus clair que je n’aie jamais lu sur le sujet et de loin. Il réfléchit en terme de plans, d’idées, de pistes, plutôt que de donner des successions de variantes avec trois mots explicatifs sommaires. Passionnant !
Quelques réserves et quelques questions
– Pourquoi les livres Payot ne recourent-ils pas systématiquement à la notation internationale avec des symboles à la place des lettres ?
– Pourquoi en pas avoir regroupé les deux tomes de « mon système » en un seul ?
– La politique de prix est étrange. Les principes fondamentaux de Capablanca sont assez chers comparés aux autres traités de la collection de la même époque.
– La mise en page est souvent agréable mais étrangement, dans le Kostyev, le texte est réparti sur 4 colonnes dans la même page.
– Si les ouvrages traitant des ouvertures faisaient la part belle aux principes plutôt que d’être une simple succession de variantes à la mode, ils ne se périmeraient pas. A ce sujet, le dictionnaire des Ouvertures de Goufeld m’apparaît come un archétype du livre sans intérêt. Si un titre doit passer à la trappe, c’est certainement plus celui-ci que les deux Réti.
– Y a-t-il un moyen de connaître les prochaines parutions ?
– Est-ce qu’il y a des pistes pour publier une traduction de l’art des combinaisons d’Eugene Znovsko-Boskovsky (je n’ai trouvé qu’un fac similé en langue anglaise avec l’ancienne notation anglo-saxonne, très rédhibitoire) et les Philidor !
Difficile de n’en garder qu’un seul, sans doute les principes fondamentaux de Capablanca, lesquels en filagramme indique la façon de raisonner de leur auteur. Le titre est toutefois trompeur. Je crains qu’il ne soit trop ardu pour un débutant.
On peut parfois faire des trouvailles étonnantes , par des échanges avec d’autres collectionneurs ou particuliers passionnés.
J’ai ainsi , récemment, fait l’acquisition d’un cahier cartonné, avec 2 traductions manuscrites en Français d’ouvrages russes et allemand :
« L’ouverture moderne 1/d2 d4 ! » par Bogoljubow, et « l’ouverture Caro-Kann » de Hans Müller.
A ma connaissance, ces 2 ouvrages n’ont pas eu d’édition en Français…
Merci pour vos explications. J’espère donc que ce livre pourra paraître un jour ou l’autre chez un « concurrent » par exemple Olibris.
Mr Sénéchaud dans son livre raconte justement une anecdocte sur ce fameux livre écrit par Diemer sur le GBD justement. L’idée est simple, c’est 5.Dxf3 (en lieu et place de 5.Cxf3) avec l’idée de sacrifier 2 pions dans l’ouverture pour un développement plus acceléré encore.
Les sous-variantes du Gambit Ryder sont elles nommées par d’autres noms de joueurs d’échecs mais le principe reste la prise en f3 par la Dame.
Pour en revenir à l’anecdote, Diemer précise donc avoir exclusivement joué cette ligne du GBD jusqu’à 1953 (de mémoire a priori) pour l’avoir abandonné ensuite pour le plaisir des plus frileux qui redoutaient trop cette ligne risquée ! Il poursuivit donc son ouverture avec une ligne moins risquée par 5.Cxf3 avec bcp de succès aussi.
C’est ainsi qu’il devait se pencher sur un autre livre qui ne verra jamais le jour. Mr Sénéchaud se faisant le collecteur d’informations que l’on connait aujourd’hui.
Je précise que toutes ces informations ne sont que le fruit de ma lecture du fameux « missionnaire des échecs accrobatiques ».
Pour ma part j’ai connu un joueur le pratiquant assidument et qui a battu semble t-il pas mal de joueurs ayant un Elo de 400 pts de mieux que lui ! Est-il capable de rééditer ces exploits sur d’autres ouvertures ? cette ouverture permet-elle de progresser tactiquement ou seulement sur ce schéma ?
Au plaisir de vous lire sur vos articles dont j’apprécie toujours autant le ton « sacarstique » et « dérangeant ».
Savez-vous si le livre « tempêtes sur l’échiquier » de François LELYONNAIS a été traduit en anglais ? et si oui, sous quel titre ?
Bonsoir Lambert, jerico et Frédéric,
Française variante d’avance: c’est mon job d’assumer les loupés. Il y a effectivement quelques ratés sur cette traduction et pour des problèmes de calendrier, j’ai laissé passer des fautes. Mea culpa. Cela dit, le rapport qualité/prix reste excellent au regard de ce que nous livre Svechnikov.
Sénéchaud/Diemer: une longue histoire d’amour qui se termine bien, comme vous le dites. A tort ou à raison, je n’ai jamais cru à ce livre; je ne vois personne jouer cette variante en compétition et en toute logique je me dis, qui va l’acheter? Dany Sénéchaud me l’avait proposé, je crois me souvenir. Maintenant, avec un réseau à soi et des moyens de diffusion dans les canaux spécialisés, le livre peut rencontrer son public. Mais chez Payot, dans un réseau national, le livre doit durer. Donc le pari était trop risqué. Et avec deux livres par an, je n’ai pas droit à l’erreur.
Sinon, merci de m’indiquer ce qu’est le gambit Ryder, je n’en ai aucune idée sauf s’il a un synonyme type début Orang-Outan = début Sokolovsky.
CA Payot et capital: Vous avez raison sur les deux points mon général! J’ai écrit cette note un peu tard, et se coucher tard nuit, comme disait Raymond Devos.
Un chiffre d’affaire de 271 000 euros ? Ah, non, je ne crois pas. 271K euro, c’est le capital, ce qui n’a pas reelement d’importance pour un societe non cotee.
Le chiffre d’affaire de Payot est, d’apres le lien vers societe.com, de plus d 9 millions…
PS: ceci dit, c’est vrai que les prix de beaute est un livre fabuleux…
Bonjour
Par votre article, on peut comprendre à priori que les ouvertures ne sont pas le cheval de bataille principal. Dois-je considérer que par exemple, un livre tel que celui de Diemer sur le Gambit Ryder (en Allemand uniquement) ne sera jamais édité en français ?
En effet, hormis le fait que cette ouverture reste une ouverture, on tombe très rapidement dans des considérations tactiques ! De plus, même si au plus haut niveau, cela n’est que très rarement joué, il n’a semble t-il jamais été démontré que ce gambit était erroné.
Le livre de Senechaud étant un succès (3ème édition, si je n’abuse) celui-ci serait probablement un succès commercial, je suppose.
Merci de votre retour ! Bien cordialement,
Cher Monsieur Bootons
Loin de moi l’idée d’emettre une critique mais plutôt de faire un commentaire constructif. Peut-être suis-je mal tombé, mais la française d’avance de Schveshnikov est a priori un bouquin excellent, l’auteur a un projet éducatif, des idées à lui sur les ouvertures et les échecs, c’est un théoricien exigeant et il joue 3.e5!? depuis 30 ans. Mais le traducteur retenu par Payot n’est pas joueur d’échec ce qui donne « cordon de pions » pour « chaine de pions », avant-garde pour avant-poste, etc etc bref une cata intégrale d’autant mieux consommée que les épreuves n’ont pas été relues donc il manque des mots, des phrases …
Des arbres et des lecteurs ont été abattus, respectez les à l’avenir!
Pourquoi Payot-Rivages ne vend pas en ligne? C’est comme se tirer une balle dans le pied. Payot-Rivages, comme la plupart des maisons d’édition françaises, favorise son réseau principal: les libraires. L’équilibre est fragile mais tient bon. C’est expliqué clairement dans le lien de la note, ‘Une politique de fonds éditoriaux’.
Kérès: pas une mauvaise idée; on a le temps. Je vais étudier la chose de près, mais Kérès a peu écrit et surtout du commentaire de parties.
Tarta 2e tome en français: tout a déjà été expliqué en long et en large sur ce blog. Voir les notes et leurs commentaires du 26/01/2007 et du 23/07/2008 dans les archives.
http://echecs64.20minutes-blogs.fr/archive/2008/07/23/vous-allez-jouer-comme-larsen.html
http://echecs64.20minutes-blogs.fr/archive/2007/01/26/lecon-de-golombek-sur-une-musique-de-s-loyd.html
http://echecs64.20minutes-blogs.fr/tag/Tartacover
Effectivement, Payot a publié des ouvrages très intéressants (Euwe, Larsen, Le Lionnais, Tarrasch, Tartakower…). Peut-être pourrait-on, si possible, s’intéresser à Keres. Après tout, c’est un des premiers joueurs d’échecs à admettre des erreurs dans ses parties gagnées.
En ce qui concerne Tartakower, je ne sais pas si le 2ème tome de ses parties a été publié en français. Dover a réunit les deux tomes en un seul, et l’intro de Golombek indique que Tartakower est décédé alors que le 2ème tome était en cours d’impression (en anglais).
Cordialement
Jean-Marc Comon
De nombreux livres de la collection Payot sommeillent dans ma bibliothèque, dont quelques uns datent des mêmes années que celui affiché en premier. C’est une collection que j’aime bien.
Question: pourquoi le nouveau site ne permet il pas d’acheter les livres comme sur sur boutique normale?