La pizza d’Aronian sous l’abribus

Aronian est maintenant un jeune homme bien installé en haut de l’échiquier mondial. Mais c’est aussi un prodige qui a fréquenté tout comme Bacrot les championnats de jeunes et les tournois comme le « Young Masters » de Lausanne. C’est ici que j’ai pu discuter avec lui assez longuement. Avec le champion et le petit d’homme.

Officiellement d’abord. À l’époque, il ne manifestait pas d’ambition particulière si ce n’est celle « de ne pas perdre ses amis s’il parvenait au titre de champion du monde ». C’est mignon, non ?

Il vivait depuis peu en Allemagne. Sa famille allait le rejoindre et il avouait ne pas parler allemand. Diantre. Affable et jamais avare d’un bonne blague, Aronian traînait toujours après la partie alors que ses jeunes adversaires rentraient sagement dans leur chambre.

Et maintenant, le off : après avoir donner un coup de main à Boris Yeshan, le préposé russe des écrans de retransmission, Aronian se sentait bien. Il n’avait que Yeshan comme pote pour parler russe. Et nous voilà embarqués à Lausanne pour trouver un restaurant. Il était tard, il pleuvait. Aronian avait très faim. Une partie importante, forcément importante l’attendait le lendemain. Galère ? Non, sourire de la fatalité sur le mode de « qui vivra verra ».

Tout s’est terminé comme dans un film russe : la malchance nous a empêché de trouver un restaurant ouvert, et une énorme pizza pour trois a été attrapée au vol. Dûment consommée sous un impassible abribus helvétique matraqué par les gouttes d’une pluie interminable.

Aronian portait des chemises rayées. Aujourd’hui, son look est plus trader. Les heures passées sur son ordinateur portable lui ont fait porter des lunettes, comme tant d’autres jeunes champions. Et il a dû engranger plus de cent points Elo. Vous ne le croirez pas : il a maintenant de l’ambition… et veut toujours garder ses amis !

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