Décès de Richard Goldenberg

Le multiple champion de France vétéran et maître FIDE Richard Goldenberg est décédé le 10 mars 2023 a t-on appris de proche source familiale.
Né le 21 novembre 1947, Richard avait mis du temps à gravir les échelons. Deux fois sur le podium du ‘championnat de France ‘National’, Richard était venu sur le tard aux échecs au point qu’il en avait fait sa profession.
Passionné du jeu, tranchant dans ses remarques, incisif et si drôle à propos des autres jusqu’au moment où c’était votre tour, il ne laissait jamais personne indifférent. Et jusqu’à lui-même dans l’une de ses dernières blagues rapportées par un élève qui devint ensuite son ami : « J’ai un rendez-vous en cardiologie, rien d’important, c’est juste pour essayer de différer un peu mon quatrième infarctus. » Pas suffisamment…

Ses dizaines d’anecdotes étaient délicieuses et malicieuses. Le tout était conté dans un français de liaisons, un français d’allitérations que personne ne parlait plus et pas du tout déjà dans les années 1970-1990 où il fut le plus actif.

Exemple terrible à son endroit mais si typique de l’époque : la FFE l’envoie jouer un tournoi fermé à normes en Yougoslavie. Il révise ses variantes dans le voyage indéterminable en train. Et le serveur (yougoslave) le voyant, lui demande, dans un langage des signes : « Blitz, mishko ? » Une fois son service terminé, le serveur arrive avec une pendule et les blitz démarrent.
« Tu me croiras si tu veux, c’est vrai, je n’étais pas très fort en blitz, mais je n’en ai pas gagné une seule ! » racontait-il hilare avant d’ajouter, grave : « Je n’ai pas osé lui dire que j’étais professionnel et que j’allais jouer contre des maîtres de son pays. »

La première vision que je garde de « Goldenberg » comme tout le monde l’appelait, c’est un nom. Un nom sur une revue : Europe Échecs. Et « Les analyses de Richard Goldenberg ». Quand tu débutes, tu crois à tout ce qui écrit ou à ce que l’on te dit et à cette variante Svechnikov de la Sicilienne que personne ne parvenait à réfuter, même en URSS, et que ce jeune maître Evguenyi jouait à tous. Europe Échecs présentait à ses lecteurs cette variante-anguille au travers de la plume de Richard.
Deux ans plus tard, à mon premier championnat de France en 1978 à Castelnaudary, Nicolas Giffard, le grand pote d’Aldo Haïk, remporte son premier titre. Et là, on voit le Richard en chair et en os. Pendant les parties, il fumait Gauloise sur Gauloise (sans filtre). Avec délectation et classe, en inspirant bien fort. Et quand il termine deuxième, il prend d’abord l’enveloppe du prix et sert la main du représentant municipal ensuite dans un sourire.

Mais si tu voulais analyser des heures une position, il était toujours d’accord. Bien sûr il avait connu les parties ajournées (interruption du jeu au bout de 5 h, coup ‘sous enveloppe’, reprise de la partie une heure au plus tôt, mais on pouvait se faire aider par d’autres…). Il était même devenu sur le tard maître international du jeu par correspondance puis habitué des titres de championnats de France vétérans (presque sans concurrence) avant de se faire rattraper par la patrouille de « plus jeunes » vétérans.

Arrivé à Belfort comme conseiller technique et pédagogique pour également former des jeunes avec pour patron Jean-Paul Touzé, la paire a longtemps fonctionné. L’apothéose en a été le super tournoi en 1988 avec Karpov et Kasparov où un duel sur la variante Grüenfeld tourna à l’avantage de Karpov. Le livre (carré) du tournoi est un bijou.
On y retrouve la patte de Richard dans les analyses et son style si particulier. Et puis, « les histoires d’amour du jeu d’échecs finissent toujours mal, en général ». Richard quitta Jean-Paul ou l’inverse, la brouille fut définitive, mais Richard resta vivre à Belfort. Et en 2013, quelques jours après le décès de Jean-Paul, coup de téléphone de Richard : « Mais tu n’imagines pas ne pas venir à l’enterrement de Jean-Paul ! » J’y fus pour une cérémonie à 10 h après cinq heures de route. Aucune huile fédérale n’était présente hormis deux arbitres nationaux venus de bien loin, habitués des tournois de JPT. Et Richard, triste quand même, devant ce menhir qui venait de tomber.

Cette semaine, lui vient de tomber à son tour. Un maître FIDE d’un autre temps, un maître à la culture échiquéenne immense, un représentant de la France dans de nombreuses compétitions par équipes n’est plus. Richard manquera à tous ses jeunes élèves. La plupart sont devenus grands, la plupart ont grandi grâce aux échecs tels qu’enseignés par Richard. Merci.

La cérémonie a eu lieu le 28 mars 2023 à 17h au cimetière de Saint-Acheul nouveau à quelques minutes au sud d’Amiens. La FFE n’a envoyé aucun représentant.

Fiche Wikipedia
https://en.wikipedia.org/wiki/Richard_Goldenberg