2e tour de la Coupe de France : rires et délire

Petit exercice de mathématique économique.
Sachant que la Coupe de France est l’une des plus vieilles compétitions de l’Hexagone, comment inciter le maximum d’équipes à participer nonobstant la volatilité du club et une fonction affine pas fine du second degré avec une constante décroissante de son compte en banque ?

Réponse : lire le polar-club-fiction page suivante après avoir épluché le tableau ci-dessous.

Or donc, ce 2e tour de la Coupe de France, 1/128e de finale en langage révolutionnaire, fut joué le 31 frimose de l’an 2014. C’était il y a deux jours autant dire une éternité car à J+2 et alors que 100% des joueurs ont un téléphone intelligent ou un ordinateur abrutissant, une poignée de clubs retardataires n’avaient pas encore saisi les résultats en ligne.

Que nous dit ce tableau muet ? Les grandes régions échiquéennes en désaccord avec la vraie géographie suivent la mécanique des ligues et la densité de population de notre beau pays :

  •   142 clubs se sont lancé dans la danse ;
  •    les clubs de Nationale II entraient directement dans ce 2e tour ;
  •    568 participants (moins quelques forfaitistes d’équipe ou individuels) ont phosphoré dont 2% de femmes ; le jeu d’échecs connaît la paire de fous, mais pas la parité.

Les rares clubs forfaitistes s’exposent, sans excuse valable, à 50 € d’amende et pas de rendez-vous chez le surgé.

Au 3e tour (1/64e de finale), les clubs de Nationale I entrent en piste. La magie de cette Coupe  à élimination directe oblige la FFE ou plutôt son bon samaritain en la personne de Christian Cureau, à retomber fatalement sur une puissance de deux. La boucle est bouclée, 64 cases nous délivrent une racine carrée.

La suite presque imaginaire en riant et en ripaillant ou histoire délirante d’un président de club, cliquer en bas du tableau.

 

Grande
région

Matches
 
(4+ 4 personnes)

Nb joueurs

Nb joueuses

Équipe(s) forfaitiste(s)

Centre

19

149

3

Villepinte

Est

17

132

4

Montrevel, Pontarlier

Sud

14

111

1

Hyères,
Toulon

Ouest

11

86

2

Nord

10

78

2

Bihorel

Totaux

71

556

12

6

Adolphe Martin, président fraîchement élu au scrutin ‘yapa de volontaire’ voulut derechef imposer des économies. Gratte-papier dans une grande tour réelle, il n’était rien pas même virtuellement, mais rêvait d’être tout.

Dans son club du plus grand département français, il partait toutefois avec trois désavantages majeurs :

– son prénom affublé de ‘ph’ masquait un ‘f’ auquel tout le monde pensait ;

– son origine (« parisien » bien que natif d’un département choyé, les Yvelines)

– son classement Elo : 1350 les bras levés.

A peine élu, les sarcasmes fusaient entre les claquements de pendule lors du traditionnel tournoi de blitz du samedi. Mais Adolphe n’entendait rien : il épluchait les comptes et traquait déjà les contre-perf. sur un ordinateur récupéré auprès du conseil régional. Encore une tour bringuebalante.

J-5 du 2e tour de la coupe de France
La pression est très forte. Il va se venger de ces traîne-savates qui ont ri et ripaillé jusqu’à l’aube au lendemain du premier tour de Coupe de France : le 4e échiquier avait arnaqué en plein zeitnot, éclatant de rire au nez de son adversaire après le contrôle de temps. L’arbitre avait dû intervenir pour éviter que l’on en vînt aux mains.

Revenant d’un club champenois, le coffre des 4 mousquetaires avait été garni de caisses de champagne suivi d’un retour nocturne au club ; un brave retraité SNCF vivait à l’étage supérieur. Encore actif, il avait épuisé ses jours de repos dans une HLM ‘maison’ proche des rails de la gare St Lazare.

Désormais à la retraite, son “sam’suffit” subissait, chaque samedi, le clac-clac du tournoi de blitz. Ce dimanche nuit, il craqua. Vers 3 h du matin, il composa le 17. Par un cocasse mimétisme, le 17e bouchon de champagne venait d’atteindre le mur du club, soit exactement au niveau où le linoléum vînt à manquer dans la triste chambre du paisible retraité.

L’intervention de la maréchaussée fut répertoriée en mairie, le quarteron de perturbateurs subit un rappel à la loi, évitant l’article 43 du Code de procédure pénale.
Tout dialogue avec ces garnements gagneurs et gagnés par la grâce d’une Coupe magique avait été barré d’un « Parisien tête de chien», les vapeurs du champagne ayant eu raison de leur clairvoyance échiquéenne et verbale.
Malgré les quolibets, Adolphe l’avait décidé. Ce 2e tour de Coupe de France serait celui des coupes ; du coupe-coupe ; du coup d’après-coup. Adolphe jouait, jouissait avec son… coupe-papier tout en reconstituant de tête un mat à l’étouffé appris il y a si peu de temps.

Ligués en Réunion
Oui, il était en réunion. De visu, il consultait un rapport de l’OCDE rythmé par des interventions orales de collègues et un rétroprojecteur fatigué. En réalité, il pensait aux patates. La grande et la belle culture des patates. Voyons, page 37… note de bas de page : Agriculture des hauts plateaux et en particulier sur les plateaux boliviens : « Tout club désirant faire des économies d’échelle en Coupe de France se doit d’envoyer des patates au combat pour se faire éliminer sciemment. Ces bonnes pratiques seront bientôt intégrées dans la RGPP et feront l’objet d’une loi programmatique. »

Ce n’est que quand Mlle Paulette Clemot, secrétaire de direction, lui tapa sur l’épaule qu’il réalisa. La gaffe ; la boulette ; l’énooorme blunder – Oui la patate est un faible joueur d’échecs dans le jargon ; non, il n’était pas au club, mais au TRAVAIL.

Oui, il avait lu à haute voix non pas la note d’un rapport dont il était le correcteur attitré et dont il n’avait cure, mais le plan “patates”.

Oui, son activité de président avait resurgi. En quelques secondes, sa carrière de gratte-papier cerné de jeunes collègues cravatés à chemises rayées et de femmes en tailleur fut ruinée.

Son chef de service, un grand escogriffe au visage buriné, tiraillait sa mâchoire à babord sans jamais vous regarder en face. Tiens, il aurait pu jouer la Caro-Kann ou la Défense Moderne celui-là. Son sourire carnassier ne s’animait que quand le CAC 40 reprenait des couleurs.

Comme dans un film muet, Adophe Martin le vit hurler, au bord de l’apoplexie. Adolphe était sourd, pétrifié comme un roi crucifié par un échec double. Il bénit soudain Mlle Clemot, une génisse alsacienne d’une trentaine d’années. Elle lui froissa son veston pour l’évacuer par l’escalier de service, celui-là même où l’année de son entrée dans cette entreprise mondiale, XXX International, il avait blitzé à l’heure du déjeuner avec un jeune stagiaire boutonneux et tout heureux d’être khûbe.

La tournante comme dans un rêve
Soudain, on tapa à l’épaule (droite cette fois), d’Adolphe Martin. C’était Alien, le pilier du club. Alien était fâché depuis une bonne dizaine d’années avec le savon, ne lavait jamais son pantalon copiant un fort joueur de l’Est, mais jouait à merveille l’Alekhine, toujours prêt au blitz. Absous donc.

Il appelait le président  “Zident” en souvenir d’études mathématiques lâchement abandonnées pour une carrière de joueur pro qui s’échoua à 2357 Elo avant de sombrer dans les vapeurs du haschich. « Zident, on t’attend pour faire notre tournante. »

Alien avait conservé ce sens de l’humour macho démesurément dévastateur, surtout à jeun. Mais la réalité était là ; retour dans son cocon, son club; il n’y avait jamais eu 17 bouchons de champagne mais 17 blitz dans une table de 5 joueurs tournant, le perdant laissant sa place au suivant etc.
Le retraité SNCF n’existait pas, le club était perdu en pleine campagne et n’avait aucun étage. Les quatre garnements étaient de jeunes recrues arrivées en début de saison, des premiers de leur classe qui ne seraient jamais des Einstein des 64 cases comme le croyaient leurs parents.

En attendant son tour, il s’était assoupi, fantasmant sur Mlle Clemot. Eh oui, l’Alsace, une forte ligue, l’aventure d’icelle avec ce stagiaire, l’amalgame avait été si vite fait dans les brumes du rêve. Et puis Clemot n’a jamais été un nom alsacien.
Requinqué, voyant clair comme on aperçoit une fourchette de pion, il était fier de la qualification de son club au 2e tour de la Coupe de France.

En bon gestionnaire, il était même prêt à revêtir son costume afin d’aller mander quelque subvention supplémentaire. Oui, “le Parisien” n’était ni viré ni dans un film. C’était un vrai président, un bon comptable proche de ses sociétaires et avide, sur les 64 cases, d’en savoir un peu plus que le mat à l’étouffé pour moucher ses forts joueurs qui faisaient sa fierté.

Règlement de la Coupe de France

Résultats de la Coupe de France par région: choisir ensuite ‘Coupe de France’, puis regarder région par région les scores parfois serrés des matches.