Mémorial Alekhine-Paris : super luxe made in Russia

2013_Paris_Mémorial_Alekhine.jpg5 rondes à Paris, 4 rondes à Saint Pétersbourg. Le Mémorial Alekhine est 100% porté par deux sponsors russes, M. Filatov (qui a financé la réfection de la tombe d’Alekhine à Paris suite à la tempête de 1999) et un associé en affaires de Karpov, M. Timtchenko lequel a expliqué qu’il était également parrain de tournois de hockeys en Russie.

Ce tournoi « des musées » ne se déroule pas au Louvre ni dans l’une de ses salles, mais dans une tente de luxe sortie de nulle part dans le Jardin des Tuileries. L’organisation à la française ? Non, plutôt une efficacité à la russe avec une débauche de moyens. Dommage qu’un tel aréopage de talents n’ait pu jouer et montrer son art dans une vraie salle de musée…

En attendant, Echecs64 a gratté une invitation à la cérémonie d’ouverture à 80% russe, opulente et jamais vue pour un tournoi d’échecs.

C’est le plus fort tournoi jamais joué à Paris, même s’il ne s’agit que d’une moitié de tournoi avec les champions du monde Anand et Kramnik, Aronian, Guelfand, le Pétersbourgeois Svidler, Ding Liren et les Français Vachier-Lagrave et Fressinet.

Sauf erreur, l’appariement de la première ronde du dimanche 21/4 à 14h est le suivant :
Kramnik-Vitiougov
Ding Liren-Aronian
Svidler-Guelfand
Anand-Adams
Vachier-Lagrave–Fressinet.

Mini live tweet de la cérémonie sur Echecs64

 Site officiel ici

 Précisions sur la cadence etc. sur le site d’Europe Echecs

Pourquoi on a tronqué la bio du « héros » Alekhine, compte rendu de la cérémonie d’ouverture et de la conférence de presse, cliquer ligne suivante.

Répétez après moi : pas « alé-kine », mais « a’lio-khin »

2013_alekhine_entree.JPG17 h était l’heure officielle de la conférence de presse.
Arrivé dans le Jardin des Tuileries dix minutes avant l’heure, impossible de trouver le « Carré du Sanglier ». Jamais entendu parler. Par hasard, alors que je me dirige bêtement vers le VRAI musée du Louvre, je croise le rédacteur en chef de New in Chess (Dirk Jan ten Geuzendam) et Vladimir Barsky, journaliste russe.

Lui sait où ça se déroule, il y est allé la veille. Le tournoi au « musée du Louvre » se déroule en fait dans une grande bâche de luxe montée de toutes pièces par les sponsors en très peu de temps ! L’hospitalité à la française sans doute. En tout cas, ce n’est pas facile à trouver. Il faut aller côté Seine quand on est dans le jardin des Tuileries à partir du métro Concorde ou Tuileries. Entrée libre et gratuite.

Le salarié et entraîneur à la FFE Pavel Tregoubov licencié à Clichy est aux manœuvres dans l’organisation.
Par ailleurs, la FFE n’a pas son mot à dire, les sponsors paient tout et ont laissé le nouveau président fédéral placer quelques mots après ceux du président de la FIDE.

De prestigieux commentateurs
Anglais: Timman, Judit Polgar et Dirk Jan ten Geuzendam (New in Chess)
Russe: Smirine, Grichtchouk, un journaliste russe
Français: la Clichaille Mullon et Pelletier

Entrez dans la danse
L’entrée se fait sur fichier avec un service de sécurité. Zut ! Déjà entré dans la bâche, j’ai loupé Karpov qui attend discrètement dans un coin pour éviter les sollicitations. Il me demandera après ce que je deviens. Je zappe 🙂
Clic, clac, quelques photos, le médaillon du tournoi avec Alekhine est partout. Agence d’hôtesses, service de presse, on se croirait dans une inauguration de luxe d’un défilé de mode. Jamais vu ça dans un tournoi d’échecs. Combien ça coûte ? Passe.

Toi ça va, moi ça va ?
Ensuite ? Une succession de poignée de mains avec des perdus de vue ou pas vus depuis des lustres.
Boris
2013_Alekhine_Lautier_Marek_pressconf.JPGGuelfand : « Mais ça fait combien d’années ? » Bah… oublié.
Aronia
n, même question. Ah ! c’était en 2006 sous un abribus-pizza à Lausanne et c’est raconté ici.
Tara, ‘
Madame Adams’ puis Mickey lui-même. L’ai connu à Clichy quand il était môme, je faisais le traducteur ‘passke’ Jicé capitaine parlait pas anglais.
Tiens bonjo
ur Lautier, je serre par erreur la main de sa femme russe croyant que c’est celle de Marek. Oops. Et le GMI Vassioukov. Il vient de fêter ses 80 ans. Pas vu depuis 1996 à Elista où il était commentateur du match Karpov-Kamsky.

2013_Alekhine_programme.JPGSur les sièges de la salle où se déroulera le tournoi figure le programme luxueusement imprimé en russe et en français avec une courte bio des joueurs et une partie. Ah ! Boris ! Pas le nouveau directeur de la communication de la FFE Boris Plane (président Bois-Colombes), mais Boris Pastovsky, l’arbitre russe. Il habite Boston maintenant. Dingue, non ? Il est assisté du Français Laurent Freyd.

Tiens, Georges Bertola (EE, articles historiques) et sa femme suédoise toujours aussi gaie. Vu a tempo que Giffard était passé en mode moins 12. Pas Elo, mais kilos. Impressionnant ! Les Leconte, Maria et Jean-Olivier, Sosonko, Leontxo Garcia connu en Espagne quand il jouait en tant que pro puis en tant que journaliste en 1985 à Moscou, au championnat du monde Karpov-Kasparov alors que nous visitions en loucedé un refuznik dans une banlieue improbable de Moscou.

Mais où sont Fressinet et MVL ? Pas vus, déjà pris ? Ah tiens, Costagliola, tu parles encore russe couramment, et Claire M. évidemment.
Que les oubliés pardonnent ma mémoire à trous.

Film biographique d’Alekhine : l’oubli qui fait tache
Un film très bien fait sur Alekhine résume sa vie, ses tourments, son destin de noble : la Révolution russe lui a pris ses parents et ses terres, il a dû fuir avec pour seul bagage son génie. Et puis son destin avec sa victoire historique contre l’invincible Capablanca. Selon ce court-métrage, Alekhine est donc ce héros russe aux « deux patries ». Le film nous le dit et redit. Mais il passe sous silence la période 1940-1946 (décès d’Alekhine à Estoril). Un héros récemment réhabilité « franco-russe » s’est commis avec les Occupants. Chuuut… Les paroles volent les écrits restent. Le superbe livret qui sert de programme au tournoi justifie comme il peut cette période en expliquant pourquoi Alkehine a joué dans cette période trouble…

Alekhine 1940-1946 : 250 plus de 2000 parties jouées dans les territoires occupés ou contrôlés par les Allemands
Voilà ce que vous ne lirez sur aucun site officiel de ce tournoi : Alekhine a joué, rejoué et surjoué le rôle du gentil champion en accord avec la politique de l’Allemagne nazie. Entre tournois officiels et séances de parties simultanées, on recense officiellement (250 dans ChessBase) plus de 2000 parties jouées en 7 ans en Pologne, Espagne, Portugal, Allemagne, Tchécoslovaquie et France. (Merci à D. Primel qui corrige le chiffre dans un commentaire).
Il était très bon ami avec l’avocat personnel d’Hitler, lequel sera pendu suite au procès de Nuremberg. Il voyagea sans problème durant la Seconde Guerre mondiale et fut naturellement ‘tricard’ en France à la Libération…

Les six articles du Pariser Zeitung sur les « échecs juifs défensifs » et les « échecs aryens attaquants » ? On les lui attribue. Les historiens les plus sérieux s’accordent sur le sujet. Une chose est sûre : Alekhine a eu une chronique régulière dans ce journal de propagande en allemand édité à Paris. Et de nombreux maîtres lui ont tourné le dos pendant et après la guerre. Oui, Alekhine était un joueur de génie. Humainement ? Discutable…

Conférence de presse : des kilos de journalistes russes
La conférence de presse débute. Moingt cherche à qui parler. Il se rabat sur son pote Vérat, directeur général de la FFE. Grands conciliabules. Plus tard, lors du concert, il ira s’asseoir à côté de Vaïsser, tiens j’ai loupé Anatoly V.

Une bonne vingtaine de journalistes russes sont massés au premier rang. Pas facile de photographier joueurs et sponsors alignés sur l’équivalent de la 8e rangée, au fond de la salle. Le meilleur coup pour les photos ? Se faufiler vers la case a7-b7.

Ping ! L
2013_Alekhine_pressconf_na_ecrane.JPGes amis Péchiné et Demuydt d’EE sont déjà à la bonne place. Bonjour, toi ça va, moi ça va ? Ils se présentent sous leurs alias d’Echecs64 (Péniblet et Chemise Demuydt). De vrais comiques finalement ! Humour, humour. Finalement, ça se passe si bien entre nous qu’ils me font plonger : un vrai poisson d’avril à retardement où je marche à la vitesse d’un dixième de verste à l’heure : “Bachar penserait à moi pour remplacer Fontaine dans les commentaires télévisés !” Énorme.
 
Pas un mot en français n’est prononcé pendant la conférence : la plupart des interventions se font en russe avec un peu d’anglais quand Anand n’a pas son pareil pour esquiver poliment les questions, ne froisser personne ou remercier les sponsors. Quel métier !

Kramnik est un peu tendu et est droit comme un « i ». Un ancien rédacteur en chef d’une revue scientifique majeure me demande de lui traduire ; énorme débit de langue de bois. La seule question intéressante posée à quelques minutes d’intervalle par un puis une journaliste russe sur le coût du tournoi et le montant des cachets des joueurs a eu… zéro réponse.
La première chaîne de télévision russe est là. La femme du GMI Makaritchev avec son équipe aussi. Tous deux ont une émission d’une heure sur les échecs sur une chaîne privée depuis des années et Marina, une blitzeuse émérite, est sur tous les tournois.

Bilan : La conférence de presse est en fait une présentation du tournoi. Côté joueurs, seuls Kramnik et Anand étaient à la table. Karpov, était là en tant qu’associé (dans d’autres affaires) du cosponsor. Les deux sponsors du tournoi, le directeur du musée de Saint Pétersbourg et les deux journalistes officiels russes complétaient cette tablée.

2013_alekhine_sponsors.JPGDiscours
Les discours les plus courts sont les meilleurs. L’adage a été respecté. Côté sponsors comme pour le président de la FIDE, on fait dans le convenu. En russe, œuf corse. Puis vient le président de la FFE, Diego Salazar. Il est au premier rang avec les joueurs. Le Français parle aux Français ? Ben… paraît que le Diego n’était pas prévenu qu’il allait causer dans le micro. Il s’en sort bien. Remercier les sponsors, il sait faire. C’est court, c’est plié, c’est emballé.

Concert de piano puis piano-violon à 2850 Elo
Nikolaï Louganski est un pianiste professionnel, ami de Kramnik et joueur d’échecs. Selon un ami joueur d’échecs, c’est un moooonstre dans son genre. Lequel ajoute : « Le monde du piano devrait avoir un Elo et si tel était le cas, Louganski aurait 2850. » Son concert, piano seul, puis piano-violon, est une merveille qui s’inscrit dans l’idée du tournoi : marier les échecs de haut niveau avec la culture de haut niveau. Le tout dure plus d’une demi-heure. Je n’ai pas vu arriver le Steinway & sons. Il attendait tranquillement dans son coin avant le tirage au sort.

2013_alekhine_tirage au sort.JPGTirage au sort pour les appariements
Tout tournoi fermé est précédé du tirage au sort d’un numéro par joueur. Il détermine les appariements. Mon voisin le MI Charles Lamoureux et sa femme Izabelle sont par hasard à Paris. Charles me demande de confirmer que « c’est bien le 10 qui double les blancs ». Sais pas. Vérification faite dans la nuit, ce devrait être le 1 donc Vachier-Lagrave aurait les blancs ronde 1 et 2. Pas grave.

En pratique, les joueurs enlèvent d’un mur un carré à l’effigie d’Alekhine. Chacun retourne le carré, le montre à l’arbitre. Le recto contient le numéro de 1 jusqu’à 10. Adams mange le 7. Guelfand se plante quand il retourne le 6 : il montre le 9 et les joueurs esquissent un sourire. C’était la minute nécessaire de Monsieur Boris.

Cocktail dinatoire
Champagne, petits fours à gogo, les groupes se forment, se déforment. « Christophe, Christophe ! Tu me reconnais ? » Avant de lever les yeux, je vois une môme de 4 ans environ dans mes pattes avec une belle robe blanche. Bing ! Je suis sûr que c’est… Madame Kramnik.

Ben oui, Marie-Laure Kramnik née Germon. Pas vue depuis… elle n’était pas avec ze champion. A ses débuts, elle fréquentait assidument le Cloître, ce bar du Quartier latin où l’on retrouvait la crème et la sous-crème des blitzeurs de Paris.

MLK n’est plus journaliste non plus. Deux enfants dont le dernier a quatre mois. Plus un mari à s’occuper et pas n’importe lequel. Un vrai job. Et ce Carlsen “qui a toujours de la chance”. Les kilos en moins de Kramnik pour les Candidats ? C’est elle, j’en étais sûr. Bon, elle doit rentrer coucher la môme.

Suivra une visite privée du Louvre sur invitation (pas eue) dans laquelle sont partis Diego Salazar et Aurélie Dacalor (secrétaire générale de la FFE). Probablement un dîner VIP. Je me suis limité au salami et à un litre de lait pour nuitamment terminer cet article.