Tricherie de Maclès: reprendre son coup peut-il rendre aveugle ?

Cas peu commun dimanche  15 janvier, dans la 5e ronde de Nationale III (groupe VIII) entre l’équipe de Paris-Canal Saint Martin et Rouen salle Maurice Ravel, à Paris. Le champion de France 1970 Jacques Maclès a triché en reprenant son coup face au multi-handicapé et champion de France en titre des aveugles Adrien Hervais.

Vu et surpris, Maclès a dû effectuer son (mauvais) 10e coup qui perdait sur-le-champ. Il est parti a tempo sans serrer la main de son adversaire. Compte rendu de cette histoire pas banale, la partie, l’entretien avec Adrien Hervais, cliquer ligne suivante.

Nous sommes au 4e échiquier (sur 8). Jacques Maclès, 66 ans, 2312 Elo, affronte le champion en titre des aveugles (9e titre) Adrien Hervais, 31 ans et 2052 Elo. Hervais est multi-handicapé et bien connu dans le monde des échecs. Son Elo est constant depuis dix ans. Il joue régulièrement en équipe comme en tournoi.

Maclès est revenu à la compétition il y a quelques années et est un ancien membre de l’équipe olympique. Précision : quand on joue contre un aveugle, le joueur voyant annonce les coups et déplace lui-même la pièce sur l’échiquier quand le non-voyant n’est pas assisté et même quand il l’est.

La partie débute. Les coups sont joués très rapidement de part de d’autre. Hervais joue a tempo. Maclès suit.

hervaisAu 10e coup d’un gambit du centre, Maclès commet l’irréparable : il effectue 10…Dg5 sur l’échiquier, appuie sur la pendule d’à côté (!), annonce de manière presque inaudible – comme tous ses autres coups –,  le coup fautif. Hervais  lui fait répéter son coup comme à son habitude. Maclès se rend alors compte de sa bourde, reprend son coup et dit : « Non, non pas dame g5, cavalier f6 ». Pas glop, frère Jacques…

Au moins deux témoins ont assisté à cette brillante reprise de coups totalement illégale. Apostrophé par un joueur de Rouen, maître Jacques remet donc sa dame en g5. Il attend et est déjà debout ! Hervais effectue l’échec mortel sur f7 (11.Fxf7+) et Maclès abandonne. Un champion a triché. Un champion de France s’est pris une miniature.

Les ‘Canalistes’ prient Maclès de serrer la main de son adversaire qui ne comprend pas tout de suite ce qu’il se passe. Informé, Adrien tend sa main dans sa nuit. C’est inutile. Maclès refuse par deux fois, pourtant admonesté par ses camarades de club. Il se rhabille et n’écoute plus quiconque tentant de le raisonner. Il prétend « ne pas pouvoir jouer dans ces conditions » (jouer pour l’adversaire, annoncer le coup etc.). Il s’est passé moins d’une minute entre l’abandon et le départ précipité de Maclès.

Quant à Adrien Hervais, il reste zen. Dans un entretien par téléphone le 19 janvier, il précise « n’avoir aucun ressentiment à l’égard de Maclès et encore moins à l’égard des membres du Canal. Pour moi, il n’y a pas “d’affaire”, cela ne m’a pas traumatisé.
Maclès a repris ostensiblement son coup et n’a simplement pas supporté la défaite après son erreur de débutant. C’est la première fois que je bats un joueur au-dessus de 2300 Elo.
Cela fait vingt-six ans que je joue aux échecs et il est assez rare de rencontrer des joueurs désagréables ; il m’arrive d’en affronter certains qui disent clairement qu’ils ne veulent pas jouer contre des handicapés, mais encore une fois, c’est assez exceptionnel. Les joueurs du Canal nous respectaient car ils nous ont envoyé la grosse équipe. »

Du côté ‘canaliste’, la plupart des camarades de l’équipe de Maclès ont été choqués par son attitude.

Qu’en disent les officiels ? A priori, rien. Rien n’aurait été noté sur la feuille de match. L’arbitre n’est pas intervenu et ne répond à aucun courriel. Maître Jacques ira-t-il saluer les membres de la commission de discipline, spécialistes en tricherie avérée ou supposée ?

Cerise sur le gâteau, le site sympathique du Canal Saint Martin ne pipe mot de l’incident, lui d’ordinaire si disert. Tout comme le site de Rouen, il se contente de faire état du résultat (5-2 pour les ‘Canalistes’).

Conclusion : il ne s’est rien passé hormis la victoire surprise d’un joueur à 2052 contre un joueur à 2345 (le petit Elo gratte au passage 12,75 points). A la FFE, le handicap n’existe pas et le joueur handicapé est bien le joueur voyant devant annoncer les coups au non-voyant.
 
S’il ne s’est rien passé, on continuera donc à voir maître Jacques dans son club sympathique. A moins que les Canalistes invitent, pour la 6e ronde du 5 février contre Le Vésinet II, l’ex-champion de France à jouer à l’aveugle histoire de « voir » si un aveugle peut reprendre ses coups.

LA PARTIE

Gambit du Centre
1. e4 e5 2. d4 exd4 3. Dxd4 Cc6 4. De3 Fb4+ 5. Cc3 Cf6 6. Fd2 O-O 7. O-O-O Te8
8. Fc4 Fxc3 9. Fxc3 Cxe4 10. Df4 Dg5 (10… Cf6 ou 10… Te7 sont les
deux variantes principales.) 11. Fxf7+ Rf8 (après 12. Dxg5 Cxg5 13. Fxe8 Rxe8 14. Fxg7, c
est game over sans extra balle.

  • Adrien Hervais anime sur Rouen une émission de radio et des colloques. Voir son site.
  • Le 22 juin 1975, Maclès visite le club de Lésigny. Événement car ce fut mon  premier « simultaneur ». J’avais 14 ans et mon camarade de club Manuel Apicella… 4 ans. C’était la veille du BEPC (le brevet). Maclès nous matraqua. Sur ma Sicilienne, il joua 2.d4. Il passe très vite d’un échiquier à l’autre et m’administra le mat au 38e coup. A cette époque, Maclès était « dans les clous » et pas dans les choux. Voir le récit sur ce blog.