Commission d’appel: des nouveautés à la peine

La Commission d’appel fédérale a aggravé (sauf pour Marzolo) les sanctions prononcées en Commission de discipline le 19 mars à l’encontre de Feller et Hauchard. Comment cela a-t-il été possible? Tout simplement parce que la Fédération avait fait appel du jugement. Cela donnait donc toute latitude à la commission d’appel composée de cinq membres dont deux seulement posaient des questions, d’aggraver les sanctions prononcées en première instance. Feller et Marzolo ne pourront donc jouer pendant 5 ans contre 3 à Hauchard, du moins dès que la rédaction des attendus leur sera notifiée. Compte-rendu complet, cliquer ligne suivante.

 

Les nouveautés:
Le contenu des conversations par MSN entre Hauchard et Vachier-Lagrave a été versé au dossier. Cette pièce présentée au dernier moment lors de la Commission de discipline a été jugée recevable.

  • La visite d’un huissier au domicile de la vice-présidente fédérale a été versée au dossier mais a été évoquée en toute fin d’audience.

  • L’audience de deux T-Moingt (Vachier-Lagrave et Fressinet) a pu se faire: contre les statuts et contrairement à ce qui s’est passé le 19 mars, les deux GMI ont pu être interrogés par les deux parties.

Deux GMI, deux T-Moingt
Le témoignage de Fressinet a porté sur un repas où se trouvait Romain
ÉDOUARD (témoin excusé), Maxime Vachier-Lagrave et Hauchard lui-même qui aurait expliqué le mécanisme de la triche. Préalablement, LF explique être « tombé des nues » quand on lui a appris une triche supposée. D’autre part, Fressinet bien que s’avouant moindre spécialiste des ordinateurs que MVL ou Hauchard, a établi un tableau des occurrences entre les coups joués par Feller et le choix du logiciel Firebird: il affirme que dans six parties, Feller a joué « le premier choix du logiciel Firebird, paradoxalement recommandé par Hauchard dans l’avion ».

Et entre le 30e et 40e coup, « le niveau [de Feller] dégringole ». Il cite la manœuvre “étrange” contre Efimenko (Tg1-a3-Rf3) et dans la partie contre Howell et Gelashvili « tous les coups » correspondent. Contre Timoféïev, “c’est le 2e choix” et contre Mikhalevski, “les erreurs surviennent entre le 30e et 40e avant de rejouer les coups de Firebird après le 40e coup.”

Fressinet tutoyait le membre de la Commission van Elst qu’il connaît depuis une partie « qu’ils ont joué en 1991 », ce qui a été relevé avec étonnement par l’avocat de Hauchard. Interrogé par van Elst, Fressinet reconnaît ne pas avoir comparé avec d’autres moteurs, faisant même rire la salle en disant qu’on « ne va pas tricher avec Fritz 2 ».

MVL: Interrogé à son tour, Maxime Vachier-Lagrave se présente avec un blouson patenté Carlsen-attitude: ‘G-Star Orignal Raw noir’. Pendant les auditions, il parlait avec son complice Jordi Lopez, de la Fédération. On lui demande de parler plus fort. Il précise que lors du repas commun avec AH, Fressinet et Édouard, il a conseillé à son entraîneur de “tout avouer. Mais à partir du moment où Hauchard niait toute complicité active et refusait tout mea culpa”, il pense “qu’il avait quelque chose à cacher”.

Interrogé par l’avocat de Hauchard sur son prochain club, MVL expliqué qu’il a « 11 options » (top 12 moins Évry donc) sachant que Feller et Hauchard jouent également à Évry. L’avocat d’Arnaud Hauchard lui demande si le club de Clichy où le président fédéral est un élu est une possibilité. Il n’insiste pas dans cette voie. Certes, l’avocat d’AH ne connaît pas les échecs et a déclenché quelques rires malvenus dans une salle essentiellement composée de joueurs d’échecs. Le président de la Commission d’appel n’est pas intervenu sur ces mini-incidents.

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Le mode opératoire: vol du bourdon, textos à Feller ou les deux?
L’audience n’a pas permis d’identifier clairement le mode opératoire de la triche supposée. Fressinet est convaincu du bourdon (Hauchard se positionnant autour des tables). Moingt n’a rien remarqué. Mais Hauchard était excité comme d’habitude autour des parties des joueurs. Ce dernier produit le témoignage du GMI Thal Abergel, capitaine des Îles de la Barbade à Khanty-Mansiïsk avec qui il « passait 4 heures par ronde, notamment à regarder les échiquiers féminins ».

Laurent Vérat: le directeur général de la FFE, mis au courant par Pomian des textos supposément envoyés par Marzolo, a relaté la rencontre du 11 octobre 2010 avec Feller et Hauchard au siège de la FFE. « Feller n’a quasiment rien dit pendant deux heures, ils étaient penauds comme s’ils avaient fait une super connerie. On leur explique qu’on ne va pas s’acharner sur eux et qu’ils peuvent s’en tirer s’ils font amende honorable, mais qu’il y aura sanction. Aux échecs, une carrière dure 25 ans. Ils n’ont pas signé d’aveux. J’ai répété plusieurs fois à Feller qu’il devrait en parler à son père. Effectivement, il lui en parlé, mais 15 jours après, nous avons eu affaire à Me Morel sur le mode « on n’a jamais avoué etc. »

“Je tiens à dire que du jour où le père de Sébastien Feller a été au courant, plus rien n’a été comme avant. Je suis scandalisé de l’attitude du père de Sébastien Feller et de ses actions. Il croit sauver la carrière de son fils. Sébastien Feller était d’accord pour que les 5000 euros de prime de son échiquier obtenus grâce à son bon résultat aux Olympiades soient mis en dépôt auprès de la FIDE.”

Pressé de questions par van Elst, Laurent Vérat avouera, à propos de la non-convocation de Marzolo: « Ce n’était pas la peine, il n’avait pas de contrat avec la fédération. »

Jicé Moingt, Le président fédéral entame un vol du bourdon au-dessus du dossier en évoquant une soi-disant triche des mêmes au tournoi de Bienne, à l’été 2010. Il se met en mode piqué pour argumenter avant de se faire recadrer par son avocat qui lui rappelle l’évidence: on juge trois hommes pour une triche supposée en Sibérie, et non en Suisse. Soudainement, Jicé est chocolat mais raconte que quand il vient voir Sébastien Feller après le match contre l’Ukraine pour lui faire part de problèmes et la réponse « a tempo » de Feller
: « Mais je n’ai pas bougé de ma chaise. » D’où la conclusion de ‘président’ qui reconnaît posséder humblement ‘un cerveau’. Ses neurones se reconnectent à Bienne et il conclut que la triche éventuelle n’a pu se faire qu’avec un joueur extérieur, mais pas avec un téléphone.

La recevabilité de la correspondance par MSN entre MVL et Hauchard
Elle a longtemps été débattue. La commission aurait dû se retirer dans un premier temps sur ce sujet et statuer si elle était recevable ou pas. Au lieu de cela, elle a laissé les avocats en débattre, les laissant enchaîner ensuite sur le fond. Pffff…

Les plaidoiries
L’avocat de la FFE rappelle l’absence, comme en commission de discipline, des joueurs, et le fait qu’ils « crachent leur fiel au visage de la FFE ». Il réclame 5 ans pour chacun et un blâme à vie pour AH.

Côté défense FHM (3 avocats et 3 stagiaires, voir photo), on s’interroge encore comment Pomian a pu voir un texto en clair sur le téléphone portable de Marzolo. Focus, Pocus, elle finit par dire maintenant qu’elle en avait 3. Pas grave, elle a paru s’assoupir à plusieurs reprises au cours des débats comme en témoigne une photo publiée sur le site d’EE. La défense s’interroge aussi « qu’à moins d’avoir affaire à un débile, comment quelqu’un qui tricherait laisserait son téléphone portable sur la table? ». Éclats de rire de la salle… que le président laisse une fois de plus fuser.

Globalement, la défense prétend que l’accusation a pris comme hypothèse de base la culpabilité et qu’ensuite, la Fédération a essayé de « faire son marché », que ce soit avec les textos, les fadettes ou les témoignages. L’avocat de Sébastien Feller ajoute que le GMI Dorfman n’a pas la même analyse que Fressinet sur l’occurrence des coups joués par l’ordinateur et les coups joués dans la partie.

Sont rappelés quelques principes fondamentaux du droit comme ‘le doute profite à l’accusé’, mais les outils législatifs de la FFE ne seraient pas à la hauteur.

L’avocat d’Arnaud Hauchard s’appuie comme en première instance sur le rapport de l’instructeur fédéral comme quoi il n’y a rien de tangible.

Lors des débats, avocats de la défense comme l’avocat de la FFE ont fait remarqué, au grand étonnement du président de la Commission d’appel, qu’une demande de conciliation auprès du Comité national olympique du sport était déjà prévue. Bref, c’était un peu comme si la décision de la Commission comptait presque pour du beurre. Pas tout à fait puisque les peines ayant été aggravées, elles seront effectives quand les attendus du jugement auront été notifiés aux trois joueurs. D’ici là, ils peuvent encore jouer…

De manière générale, l’atmosphère n’était pas sereine et comme l’a souligné Me Morel, l’avocat de Sébastien Feller, la Fédération « était dans l’affect ». Affect, mais pas encore mat. Le délibéré a duré une heure trente.

Parmi les avocats de la défense, seul Me Morel est resté. Président et Fressinet ont aussi pris la tangente, mais en quelque sorte, à cause d’un coup de pompe: le champion de France en titre donnait une simultanée contre des huiles des chaussures de luxe Berluti tandis que Président serrait des mains et passait le cirage en attendant un texto lui annonçant les peines prononcées.