De la temporalité dans les matches par équipe

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Un match par équipe est toujours stressant. Stressant pour les joueurs. Stressant pour le capitaine joueur ou non joueur. Stressant pour l’entraîneur s’il y en a un. Stressant pour le président du club qui compte sur ses ouailles. La différence avec les jeux de ballon par équipes: les buts (points) sont parfois prévisibles.

Ainsi, une position jugée ‘gagnante’ (ou avec gros avantage) dans les mains dun joueur aux nerfs d’acier sera gagnée sur l’échiquier. Il sera peut-être le dernier à terminer, mais le point aura mentalement été acquis pour l’équipe et virtuellement inscrit sur la feuille de match.

Evg_Cf4.JPGDans la position ci-contre, l’un de nos buteurs, Evguény Pozdnjakov (par ailleurs excellent gardien de but en foot en salle à 56 ans, cf. photo) se retrouve très vite en mauvaise posture dans l’ouverture contre Étienne, du club de Forbach.

On croit à la fin des haricots. Vous avez les noirs. Face à vous, ‘el portero’. Un ou deux tirs et c’est fini, voyez-vous comment?

Cherchez un peu sinon cliquez ligne suivante… pour voir comment les blancs ont sauvé cette partie dans une finale d’anthologie émotionnelle.

Comme les autres sports par équipe, le jeu d’échecs est aussi très volatil: tout se joue sur 8 échiquiers avec au une joueuse obligatoire. Entre le 30e et 40e coup, ce fameux 40e coup, tout peut arriver. On peut gagner une position perdante, sauver la nulle… ou bêtement épuiser son crédit de temps (1h30 + 30 s par coup joué depuis le début de la partie), c’est-à-dire tomber au temps, avant que la pendule électronique n’ajoute 30 minutes de réfléxion une fois le 40e coup effectué.

En sept rencontres, notre équipe (Drancy II) a vécu des moments forts qui forgent les souvenirs. Mais quelles suées! Ainsi, d’une position perdue dans l’ouverture, la nulle sur l’échiquier et donc le nul dans le match (les 7 autres parties étant terminées) fut accroché in extremis contre la deuxième équipe la plus forte de notre poule de Nationale II, Forbach, emmenée par le GMI Slim Belkhodja.

Nationale II, Forbach-Drancy, 12.12.2010
E. Pozdnjakov – Étienne

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Les noirs jouèrent 14…f4? La partie aurait pu être pliée après le sacrifice du cavalier qui ouvre toutes les lignes: 14…Cf4+! 15.exf4 Cxd4+ 16.Re3 Fc5! Le coup de repos dévastateur. 17…0–0–0 gagne: aucune pièce blanche n’est active. Côté noir, seule la tour h8 fait la sieste; les noirs menacent le grand roque à brève échéance. Bonjour chez vous! 17.Tf1 (17.b4 Cc2+! 18.Rd2 Cxb4 19.Df1 Dxf3 et le jeu du croque-pion continue avec le grand roque à suivre et le roi blanc dans les courants d’air. 20.De2 Dxf4+ 21.Rd1 Dd6 22.Cxf5 Dxd3+ 23.Dxd3 Cxd3 avec victoire rapide.)

Et voici la position quelques dizaines de coups plus tard, après 60.Ce1. Toujours aussi compromise pour les blancs, mais plus technique cette fois…

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60…Fd6 Le gain s’obtenait probablement par la poussée paradoxale 60…h3! 61.Rg3 Fd6 62.Cd3 h2 63.Rxh2 c2 64.Rg2 Re4 65.Cc1 Fxf4 et le fou dominateur décide de la partie. 66.Ca2 Rd4 (66…Rd3? 67.Cb4+ Rd2 68.Cxc2=) 67.Rf3 Fh6 68.Rf2 Rc4 69.Re2 Rb3 70.Rd3 Fg5 71.Cb4

61.Cc2 Fxf4? Le miracle! 61…h3 était encore au rendez-vous.
62.Cd4+ Re5
62…Rg5 63.Ce6+ Rf5 64.Cxf4 c2 65.Ce2= Plan: le cavalier annihile le pion c et le roi blanc croquera le pion h comme dans la suite de la partie: nulle
63.Ce2 c2
63…Fd2 64.Cxc3 et la partie est nulle car la case d’arrivée du pion h n’est pas de la même couleur que celle du fou.
64.Cxf4 Rd4 65.Ce2+ Rd3 66.Cc1+
Cette nulle miracle donne le match nul à l’équipe. Bien sûr, les pas chassés du cavalier étaient dans l’air, mais nous n’en croyions pas nos yeux! Moralité: ‘El portero’ Pozdnjakov plonge dans tous les coins de la cage dans les finales!