Un Vishy avec deux K bien frais svp!

Pour gagner un championnat du monde, rien de mieux que d’inviter deux K. Comment? Grâce à l’Internet. Le nouveau champion du monde d’échecs, l’Indien Viswanathan Anand le confie dans un entretien en anglais en deux parties: Kasparov et Kramnik lui ont prodigué de précieux conseils à des moments critiques de son match contre Topalov.
De son côté, Topalov disposait de 8792 processeurs, probablement prêtés par le gouvernement bulgare. Un presque ’K’ a donné un coup de main également: le numéro 1 mondial sur la liste du classement Elo, le jeune jeune Norvégien Carlsen, lui-même s’étant entraîné avec le ‘retraité’ Kasparov. La victoire de la psychologie et de l’expérience Kolossale contre la force brute des machines?
Pas si simple comme le décortique Anand qui connaît les limites de la machine, mais qui a aussi fait appel aux ordinateurs dans sa préparation. Mais qu’ont-ils donc contre le Bulgare Topalov, qui a perdu le titre en s’inclinant avec les blancs dans la 12e et dernière partie du match? Lire les révélations passionnantes sur le site de ChessBase. L’importance des ordinateurs dans la pratique d’aujourd’hui: cliquer ligne suivante.

La masse et la nasse
Dans la plupart des tournois majeurs professionnels ou amateurs, les parties sont saisies et mises en ligne immédiatement. Il n’y a pas de droit d’auteur et elles sont compilées dans des bases de données livrées gratuitement chaque semaine sur le site anglais TWIC.
Les logiciels de la société allemande ChessBase ont, dès 1985, compris l’intérêt et la révolution dans la circulation de l’information. Ils commercialisent des produits, des DVD d’ouverture, un abonnement sur le jeu en direct et tout un environnement indispensable aux professionnels comme aux joueurs de tournois. L’Internet a fait exploser cette circulation et mis à disposition de tous ce que des maîtres mettaient des mois ou des années à compiler. Voilà pour la masse.

Tonton, je te dis qu’il y a
un moteur derrière
Si dans cette grande masse d’informations, les professionnels trouvent parfois des idées jouées par les amateurs, l’intérêt des ordinateurs aujourd’hui réside dans les moteurs d’analyse. Vous jouez une partie, vous rentrez chez vous: l’ordinateur l’analyse à votre place. Oops: vous avez loupé un mat en 4 coups vu en moins d’une seconde par la bête. Voilà pour le post-mortem. Mais comment valider des idées par l’ordinateur? Voilà toute la difficulté et là, on atteint pratiquement des niveaux de recherche expérimentale voire fondamentale.

Je me souviens avoir vu comment étaient construites les bases de données d’ouverture de Karpov en 1996 lors de son match contre Kamsky à Elista, le raffinement était incroyable. En fait, Epichine, un secondant de Karpov, avait un problème d’ordinateur et m’avait demandé de l’aider. 1996, autant dire l’infini, car Karpov n’analysait pas avec l’ordinateur, il préférait « la sensation de toucher les pièces ».

Bien voir… mais avec les bonnes lunettes
Ce n’est plus le cas de ces jeunes grands maîtres, les ‘enfants de ChessBase’? Ils analysent beaucoup sur écran et se retrouvent avec une paire de lunettes beaucoup plus tôt que prévu. De plus, ils deviennent ’addict’ au jeu en direct sur Internet, à force de se « délasser ». Blog à part, cela ne les empêche pas de progresser de manière fulgurante et de trouver de bonnes idées pratiques dans les masses d’information.

Côté préparation turbo Grand Prix, Anand, explique dans l’entretien qu’il n’y avait de ’Monsieur ordinateur’ dans l’équipe, tous ses collègues et lui-même maîtrisant les fonctions de ChessBase.

Il faut ’pousser’ la machine?

Mais alors, à quoi sert une machine surpuissante? A gagner du temps dans certaines positions. A lui soumettre des problèmes pour avoir un verdict. Mais selon Anand, ce verdict est celui ‘que la position demande’. Mais pas forcément le type de position que le joueur veut jouer. Ici intervient donc un choix entre la psychologie, l’objectivité de la position et la psychologie: faut-il jouer ceci ou cela contre le joueur Topalov?

Allongez-vous sur le divan
Alors, faut-il croire les deux K sur parole? Définitivement oui, et Anand a chaudement remercié Kasparov et Kramnik. Kramnik avait une raison toute simple d’aider Anand: après son match contre Topalov et le ’Toiletgate’, il déteste le camp Topalov même s’il reconnaît les qualités du joueur. Et il le connaît par coeur pour l’avoir affronté en match.

Kasparov? Ses raisons sont moins claires. Sur la fin du match, je me suis demandé pourquoi il apparaissait régulièrement dans le direct des parties sur le site de ChessBase, et surtout pourquoi il disparaissait rapidement (son pseudo est Kasparov et son statut est ‘VIP’, sans Elo)… exactement comme l’aurait fait un secondant qui vient faire un tour et va se rafraîchir.

Anand a donné la clé: son équipe lui avait posé ’21 à 31 questions’. Le grand K a répondu par Skype et a de plus donné une leçon à Anand sur les finales de fou de couleur opposé après sa défaite idiote dans cette finale. Ensuite, Kasparov et Anand ont communiqué via Skype notamment… avec des émoticons. Anand n’en revient toujours pas. Moi non plus, je dois dire!

Après avoir lu cette Konfession, Topalov sera surmotivé lors de ses prochaines rencontres avec Anand et Kramnik. Mais il aura sûrement perdu tout sens de l’humour.