Interview du président fédéral J.-C. Moingt

La journée avait salement débuté : un « accident voyageur » annoncé de manière impersonnelle au micro de la Régie Autonome des Transports Parisiens sur la ligne 13 en direction de Maire de Clichy. Les actus donneront la clé quelques jours plus tard: à la suite d’une bagarre entre deux jeunes, l’un des énervés s’est retrouvé entre deux wagons après le démarrage et y a laissé une jambe.

Avec  45 min de retard ‘donc’, arrivée devant le barrage de sécurité à l’entrée de la mairie de Clichy-la-Garenne : « Tu m’excuses, mais le plan Vigipirate est renforcé. » Ici, Jean-Claude Moingt n’est plus président de la Fédération française des échecs (FFE) mais « Conseiller municipal délégué à la Communication et aux Relations avec le Public » comme l’indique, avec de très respectables majuscules, une carte de visite format 21 x 10,5 cm.

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Connu comme le loup blanc et très proche du maire PS Gilles Catoire, tout le monde laisse passer « Jean-Claude ». Moi itou. La visite ne concerne pas l’ancien joueur ou organisateur dans son fief, mais bien le président d’une fédération de plus de 50 000 adhérents.  Cette brève visite vaut le détour pour avoir un aperçu des mœurs de la politique locale: un collègue d’un parti adverse s’obstine à lui adresser des missives au nom de ‘M. Moins’ ce qui a le mérite « en plus » de faire rire celui que j’appelle ‘président’.  Nous prenons la tangente direction la cantine de Jicé où un bon couscous nous attend.

Cet entretien réalisé il y a quelques semaines (début janvier) est retranscrit seulement maintenant. Entre-temps, la liste PS du maire Gilles Catoire a gagné le second tour des municipales et Jicé est donc réélu. En plus de la com’ il s’occupera… de l’éducation.
Docteur Jicé Moingt avec les lauriers en devenir d’un Mister Jack (Lang?) à la sauce clichoise ? Poncifs ou espoirs fous? En attendant, Jean-Claude devrait annoncer sous peu s’il continue de mener de front une carrière politique et fédérale ou s’il se consacre pleinement à l’exercice de ses mandats clichois.

Bien sûr, les internautes auront droit à une suite: l’interview (presque) imaginaire du même. Mais ce sera pour une prochaine note. En attendant ce grand moment, cliquez ligne suivante…


La FFE : combien de divisions ?
Il y a en France 52 000 licenciés et nous homologuons 2 000 tournois par an toutes cadences confondues. Nous avons un fichier d’adresses de 350 000 personnes différentes entre 1998 et 2007. Le budget de la FFE est de plus de 2 millions d’euros par an pour 10 salariés. Sans compter, bien sûr, tous les bénévoles sans lesquels la fédération ne serait rien : nous sommes une fédération de clubs et ce sont les clubs qui élisent le Comité directeur.

Le site Internet

Une demi-douzaine de personnes l’aliment régulièrement en nouvelles ; les directeurs de groupes ont un accès spécialisé pour donner les résultats des compétition. Érick Mouret est le technicien et Joëlle Mourgues la webmestre. Nous avons 2 millions de pages vues par mois pour 6 000 à 9 000 adresses IP différentes par jour. Le site va dix fois plus vite qu’avant et les serveurs sont maintenant sécurisés dans une chambre blanche. Une chose qui nous tient à cœur : la mise en ligne des résultats des interclubs le soir même, c’est-à-dire le samedi ou le dimanche. Capitaines d’équipe et directeurs de groupes, tout le monde joue le jeu ! Mais il fallait que le serveur puisse assurer ; nous avons eu des problèmes de lenteur au début. Nous avons augmenté la bande passante mais cela a un coût : 1 200 euros par mois. Cela n’a l’air de rien, mais c’est un service indispensable  pour les joueurs !

Stratégie de la FFE
Scolaires, quartiers sensibles, communication vers le grand public, restructuration  et professionnalisation, fédération délégataire qui permettrait d’améliorer le statut des joueurs pro et des formateurs notamment, j’avais fait un plan sur quatre ans en début de mandat sur les priorités et les urgences. Nous avons pratiquement tout tenu et même fait des choses qui n’étaient pas programmées comme la convention-cadre à l’Éducation Nationale. Il me reste la mise en place de la fédération délégataire, mais nous attendons les instructions du ministère à ce sujet. Nous ne pouvons plus déposer de demande en cours de mandat, il faudra se positionner fin 2008.

La France dans le môôônde…
On a une cote extraordinaire dans le monde et nous sommes pris en exemple. On a gardé notre liberté de parole pendant les dernières élections où Ilioumjinov a été élu. On a perdu contre des gens qui achètent les voix. Cela n’empêche pas les projets et les bonnes relations que nous entretenons avec les fédérations russe, turque, allemande et chinoise entre autres.

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Projets à l’étranger
On  a réactivé la francophonie. Concrètement, nous avons déjà aidé la mise en place d’un open au Cameroun qui s’est déroulé en juin dernier. En 2009 aura probablement lieu l’olympiade des pays francophones à Tunis ; nous avons fait une demande au  gouvernement français qui est restée sans réponse. On a aussi organisé des matches de pays à pays comme un France-Chine en 2005-2006. Joël Lautier est très actif également en Russie où nous avons des projets de partenariat avec la fédération russe.

… et en France ?
Ce qui nous manque en France, c’est une grande compétition internationale comme il en existe aux Pays-Bas, en Espagne ou en Allemagne. L’argent privé n’est pas encore convaincu de l’impact du jeu d’échecs dans notre pays pour une telle manifestation. La France est l’un des pays fondateurs de la Fédération internationale, elle mériterait d’organiser régulièrement un cycle de championnat du monde ou un grand tournoi annuel comme Linares ou Wijk-aan-Zee.
Pour info, j’ai encouragé à plusieurs reprises Dan-Antoine Blanc-Shapira à revenir organiser des manifestations de temps en temps [Ancien organisateur de tournois rapides de prestige dans des théâtres parisiens ou de manifestations avec des grands noms des échecs comme Kasparov dont il était le représentant en France.]. Il y a aussi un projet de ce type à Évry soutenu par mon ami Manuel Valls, le député-maire d’Évry. J’ai des partenaires prêts à mettre ce qu’il faut sur la table pour organiser, vingt ans après Lyon et le match Kasparov-Karpov, un championnat du monde en France… mais il faudra convaincre la FIDE…

Le salaire du président ?

Cela a été voté par le comité directeur de novembre suite à la décision prise en AG extraordinaire de janvier 2007. Je touche un salaire de 29 000 euros annuels depuis janvier 2008. 903ab3229f989b011842bd6554d0ef4b.jpg

‘Président’ avec l’équipe de France

BNP Paribas

Le 1er septembre 2006, nous avons signé une convention de partenariat avec BNP-Paribas. J’ai eu peur que la communication aille trop vite par rapport au monde échiquéen. En plus des tournois où BNP- Paribas a été partenaire comme à Cappelle-la-Grande, la banque apporte des aides aussi bien au haut niveau que pour le développement de la base.
Et nous avons aussi été sollicités ; par exemple, dans les quartiers sensibles de Clichy-sous-Bois et Sarcelles. C’est toujours un succès. Je suis moi-même un gars de la banlieue et je sais comment cela fonctionne; au final, cela créé de l’emploi même temporaire au niveau des animateurs. Si tu avais vu les gamins à Clichy Sous Bois… le maire Claude Dilain en avait les larmes aux yeux à la remise des prix. Ou même à Évry.
Et puis il y a aussi
le site dédié aux échecs de BNP-Paribas : on trouve plein de choses pour apprendre, progresser, se distraire ; c’est un vrai partenariat. La fédération joue son rôle et BNP-Paribas utilise l’outil Internet pour propager le jeu.

FFE-EE :
je t’aime, moi non plus ?

Historiquement, les relations entre la fédération et la revue Europe Échecs ont toujours été tendues. EE fait partie du patrimoine des échecs; ils ont leur indépendance. C’est vrai, il y a quelques années, j’ai travaillé pour Bachar Kouatly. Il y a l’affectif d’un côté et l’efficacité de l’autre, je sais faire la différence. Et depuis le début de mon mandat, cela a évolué au gré des caractères et des humeurs. Mais je défends la FFE coûte que coûte. L’article désagréable sur la FFE, je n’y ai pas répondu, j’ai bien fait. On a passé de la publicité pour les derniers championnats de France, cela nous a amené un petit plus de monde. Les accords que nous avions auparavant, n’étaient pas intéressants ni pour eux, ni pour nous.  Nous sommes repartis sur d’autres bases notamment grâce à leurs vidéos que je trouve très bien. Et puis, il n’y pas concurrence entre notre revue et la leur…
Ah si ! J’ai juste un problème avec une personne que je ne supporte pas, Jean-Michel Péchiné: c’est le crayon qui se prend pour une plume !