Katz et Tsepeneag: hommes des années 1980

Le tarif de deux joueurs d’échecs croisés par hasard dans Paris et loin de toute manifestation échiquéenne continue. Voici les deux dernières prises, toutes deux des années 1980. 

 Frédéric Katz
« Tiens, bonjour Frédéric, que fais-tu là ? » Il est sorti de ses terres : Frédéric Katz a franchi quelques arrondissements, du Ve au XVe exactement ; une quasi épopée pour cet habitué, grand maître kibbitz du Jardin du Luxembourg qui considèrerait presque l’au-delà du périphérique comme « la province ».
Précisons-le, sans aucune pointe de condescendance car aujourd’hui, selon lui, « la vraie ambiance de club se trouve précisément en province et non plus à Paris où les gens font la gueule ou se prennent au sérieux ». Grand amoureux des échecs et capitaine de diverses équipes de joyeux drilles du club ‘Fou du Roi’, à Paris, dans les années 1980 (Andruet, Prié, Birmingham, Lohéac, Blanc, ma pomme etc.), Frédéric dit « ne plus rien comprendre à ce monde des joueurs d’échecs ».

Et d’ajouter avec son rire inimitable, communicatif et un brin névrosé : « Je ne sais même pas qui est champion du monde actuellement. J’ai décroché. Ma dernière tentative de m’occuper d’une équipe en Nationale III avec une bande de copains d’avant (Blazquez, Grichkevitch, Ladisic etc.) a cessé: j’ai arrêté à cause de toutes ces contraintes qu’on impose aux clubs, j’ai passé le relais. »

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Dans les années 1980, il était dans la mouvance de la La Revue des Échecs, revue fondée par celle qui deviendra sa femme, Mathilde Maraninchi. Les commentateurs vedettes étaient Haïk, Giffard, Villeneuve, Nolot (pour les ordinateurs) et Bretagnolle en dessinateur génial… et blitzeur éternel  avec ou sans tarif. Beau projet que cette revue. Elle avait donné un vrai bol d’air frais et avait bien secoué cette vieille dame qu’était Europe Échecs avant de cesser sa parution au bout de quelques fructueux numéros.

Soudain, on décide d’arrêter de faire semblant de jouer à « c’était mieux avant » et on passe par la case souvenir avec un match de coupe de France épique gagné au bluff grâce aux éclats de rire de Katz et de Birmingham contre Troyes alors que Prié et moi-même étions perdants…

Dimitru Tsepeneag
Trois jours plus tard, c’est l’ami Tsepeneag qui est flashé en mode promenade à 3 km/h devant le Palais du Luxembourg, accompagné de sa fille. Cette jeune femme a dû écouter les leçons de papa entre 2 et 6 ans, mais elle a lâché prise ensuite. Cela fait une quinzaine d’années que je n’ai pas vu la crinière du poète qui a fui le régime de Ceaucescu. Dimitru Tsepeneag est un écrivain, un vrai. Sur les échecs, il a écrit un seul livre sur une défense qu’il pratiqua avec succès dans les championnats de Paris des années 1980 : La Défense Alekhine. Il joue maintenant sur Internet: “Trop”. Brève mais plaisante rencontre que de croiser cet homme humain, profond et sensible. C’était la journée, il faut dire : je sortais de trois heures de demi de queue, suivies d’un vrai régal : voir le dernier jour de l’exposition d’Arcimboldo qui pliait bagages le lendemain pour aller ravir les yeux des Viennois.