Dorfman, champion de France… des nulles

Maxime Vachier-Lagrave est champion de France d’échecs 2007. Il a remporté le match de départage en parties rapides contre le tenant du titre Vladislav Tkachiev. Pourquoi des parties rapides que même le tenant du titre condamne, alors que la FFE aligne un tournoi fermé de 11 rondes avec les meilleurs? Cherchez l’erreur… Un partage du titre n’est pas honteux et existait auparavant

Pan sur mon bec! Vérification faite auprès de César Boutteville, les titres étaient attribués au Sonneborn-Berger pour désigner le vainqueur; on a connu plus tard des matches de départage en cas d’égalité de un ou plusieurs joueurs.ChB

Qui est le champion de France ? Nous reviendrons sur cette question, mais en attendant, voici l’interview imaginaire de Iossif Dorfman, le VRAI champion de France des nulles, comme l’an passé, battant sur le fil Andréï Sokolov. (Cliquer sur lien ligne suivante)


Alors, Iossif, encore un titre de champion de France des nulles…
Un vrai massacre !

Peux-tu nous détailler ton parcours ?
Trrrèèès facile.

1re ronde, D-Bauer 1-0 (69): J’ai forcé sur les pâtes. Avec trop de sucres lents, la partie a traîné en longueur. Je lui ai mis un cavalier en f5 comme Karpov contre Kasparov et après j’ai pompé la position, comme les Shadocks.

Pardon ?
Oui, sur la scène, l’arbitre n’en croyait pas ses yeux. Je me répétais « statique, dynamique, statique, dynamique » tout en faisant des pompes, à la dur. Un vieux souvenir de l’École des pionniers, en Ukraine.

2e ronde, Sokolov-D nulle (11):  J’atomise Sokolov en onze coups. Il a peur de moi, qu’y puis-je ? On est allé faire un sauna après tellement on était épuisés!

Iossif, tu n’exagères pas un peu ?
Si tu as raison, seulement par excès de modestie.

3e ronde, D-Nataf nulle (16) : Cet imbécile de Nataf joue pour le gain. Ce n’est pas le but du jeu pourtant! Mais après 3‑4 coups de lasso, je l’ai remis dans sa cage. Il gigotait toujours et n’en croyait pas ses yeux.

Il a réagi de manière émotive ?
Non, pas vraiment. Il a juste poussé un râle de lion en criant ‘NAO-NOOOON’ quand je lui ai montré une ligne prometteuse à l’analyse. Je n’ai pas compris ce que cela voulait dire.

4e ronde, Fontaine-D nulle (10) : Fontaine, je l’ai menacé. Je lui ai dit : « Attention, si tu m’embêtes, je ne boirai plus de ton eau. » Comme je lui ai tout appris, il m’a mis devant une caméra et m’a répliqué. « Iossif, répète, “ouistiti-sexe”, c’est pour Europe Échecs. » Je l’ai fait pour lui, parce que Kouatly… pfff. Enfin, enfin, les gens m’ont vu sourir.

5e ronde, D-Tkachiev nulle (35) : Ma première longue nulle et une belle pièce de théâtre. Avec Vlad, on s’envoyait par SMS les séries de coups. Des toilettes. Ah ! La rigolade. Quand je pense que Domenech vient de nous copier dans Italie-France, quel bouffon !

6e ronde, D-Renet 1-0 (51) : C’est injuste. Olivier m’a poussé au gain. C’était une bulle théorique, je devais gagner car sinon je perdais un paquet de clients. Cela m’a fait très, très mal de gagner. J’en suis désolé pour Olivier et je m’excuse auprès des spectateurs de ne pas leur avoir donné la joie d’une nulle supplémentaire.

7e ronde, Degraeve-D 1-0 (23) : Mon client habituel me plante une miniature ! Encore une journée gâchée pour les spectateurs. Je n’ai rien vu venir. Ah ! Il est grave, Degraeve. Il m’a mélangé les principes de Nimzovitch en grattant les cases, ceux de Capablanca en attirant mes pièces vers un leurre à l’aile dame, et m’a terminé à la Alekhine par une combinaison bien cachée de mat. Son cas est grave, Degraeve. Il mérite de passer en commission d’indiscipline pour cet affront.

C’est vrai, tu perds peu dans les championnats de France…
Oui, et lui, il me bat, se lève avec sa moue habituelle, comme s’il allait boire un Coca ou avait perdu. Il joue trop facile, je devrais lui donner des cours.

8e ronde, D-Fressinet nulle (18) : Il est venu la veille au soir pleurnicher en me disant qu’il avait 7 pokers en cours dont 15 sur l’Internet. Comme ça, j’ai pu aller faire ma sieste à peine la ronde commencée. Tiens d’ailleurs, ça me donne une idée: « Ma méthode II », ça sera avec des préparations de poker!

9e ronde, Guidarelli-D nulle (41) : Ah, il m’a bien troublé ce joueur rapide. Le « Petit Guide » est arrivé avec le Petit Livre Rouge à la table. Tous ses potes rigolaient pendant que moi, j’étais rouge comme une écrevisse à comprendre comment éviter tous ses échanges. En clair, il m’a dit : « J’échange tout et on verra en finale, vieux. » Tu te rends compte, le manque de respect? Au lieu de faire une nulle pépère en 3 coups et d’aller me faire masser?

10e ronde, D-Vaïsser 1-0 (34) : Une tragédie basée sur une mésentente. On discutait avant la partie pour savoir quelle ligne de nulle on allait concocter et en arrivant à la table, on s’est trompé de couleurs. J’ai pris les blancs et Anatole les noirs. On s’en est rendu compte au dixième coup… trop tard. Les arbitres sont des poules mouillées, ils ne nous ont rien dit! Et là, mon bras jouait automatiquement! J’avais le bras d’Anatole: tout pour l’attaque et bonne concrétisation de l’avantage. Cette partie restera dans les mémoires: c’est une partie entre l’Automate de von Kempelen et les lapins de Duracell.

11e ronde, Vachier-Lagrave – D (7) : J’ai voulu montrer à la jeune génération que j’étais un warrior, un Terminator. D’ailleurs, dans le prochain championnat de France, « I’ll be back ». Je crois que c’est ma plus belle partie, ce sera la Toujours jeune. Elle a été jouée dans un contexte sportif palpitant: à égalité de points, Tkachiev jouait Fressinet avec les noirs. Nous sommes en France, alors pourquoi se battre? Pourquoi montrer l’exemple et rechercher le gain?
Non, on a eu une attitude collective professionnelle, on a respecté les souhaits des joueurs. Fressinet-Tkachiev, nulle en 12 coups? Fressinet pleurait encore la nulle à cause de ses pokers, il avait peur pour son titre de champion de France d’échecs des joueurs de poker. Tkachiev, magnanime, lui a dit ‘Ok’, mais tu rentres avant minuit sinon, je te transforme en crapaud. Quelle classe ! Avec les noirs, je n’ai pas voulu épuiser le jeune Vachier, un cow-boy sur l’échiquier. On ne sait jamais, il faut préserver la future clientèle. Enfin, moi, je te dis ça, mais heureusement que Léo Battesti n’était pas là. Tu sais, j’ai peur de retourner en Corse maintenant.

Bravo pour ces analyses, c’est formidable. Une dernière question, Iossif : tu ne joues pratiquement plus de compét, pourquoi venir à Aix-les-Bains ?
Trois raisons : 1) Je voulais absolument voir le championnat de France féminin joué, cette année, dans les fameux bains de boue. C’est une excellente initiative de la FFE, inspirée du catch américain. Enfin des échecs spectacle et sans concession!
2) Vtaroï – ou secondo en russe – pour ma pub. Je ne suis pas comme ces feignasses de MI/GMI français: je bosse, je donne des cours, j’ai une famille à nourrir. Ma méthode, c’es
t du bluff bien emballé, mais si je piétine les principes de Nimzovitch, tout le monde s’en fiche. Tiens d’ailleurs, comme j’ai bien essoré le marché français, ma clientèle s’élargit à l’international. Dis-leur que je prends toutes les cartes de crédit, j’accepte paypal et je prends toutes les devises sauf le yuan tibétain. Dis-leur encore : « Respirez, soufflez, respirez, soufflez », c’est aussi simple que ‘statique, dynamique, statique, dynamique’. Révolutionnaire, non ?

3) Enfin, le scoop: l’an prochain, je vais jouer le Vétéran. La FFE m’a chargé de cibler Goldenberg et de lui couper son abonnement à la première place. Remarque, cela sera plus dur de jouer 11 rondes à fond contre des patates que 6 parties au maximum et 5 nulles sans jouer contre des MI/GMI effrayés par ma technique.

Pour conclure, un mot pour tes fans? Comment expliques-tu ta popularité auprès des titrés français et du grand public ?
Toute immodestie mise à part, les titrés français, je les méprise. Sauf mes clients ou ex-clients, et la même chose par interversion de coups. Sur l’échiquier, ma botte secrète, c’est que, contrairement à eux, je fais du sport. Ils ont donc peur car je leur rappelle Jean-Claude Vandamme. Ils me proposent nulle en baissant les yeux.
Le grand public? En France, il est plutôt… petit. Je dirais, que je leur chante des berceuses.  

S’il te plaît Iossif, vas-y que je mette en ligne un fichier mp3.
Non, espèce de patate boutonesque, c’est une image. Très concrètement, je leur dis que ‘ma méthode’,  c’est comme la méthode globale pour apprendre à écrire : c’est une recette unique et pour tout. Je suis un magicien, j’applique une matrice. Et pour les exceptions ou ceux qui ne comprennent rien ou ne progressent pas, j’ai deux réponses: la culpabilité en leur disant qu’ils sont nuls ou le ‘respirez, soufflez’ pour d’autres cours, particuliers cette fois.

Merci, merci maître Dorfman pour cette grande leçon.

Voir ou télécharger toutes les parties des Nationaux sur le site fédéral.