Voltaire, Kennedy et le DHL

Vous êtes sur le point de partir du bureau. Ce jour-là, votre chef vous alpague. Un dernier truc ‘rapide’ à revoir. Allez, coco, un effort. Respiration ventrale zen. Pas de panique bien que l’on soit en zeitnot. – « Oui ? » Vous arborez le masque ‘tout est sous contrôle, patron’. Intérieurement, vous avez envie de lui dire ‘bwana’, d’envoyer valser le PC, le téléphone et d’exploser l’énorme imprimante à jet d’encre qui n’est plus sous garantie puis de piquer un sprint dans le long couloir menant à l’ascenseur. Seul le sprint se matérialisera. Employé modèle, vous avez inscrit à la va-vite la tâche du lendemain dans le fichier Excel ‘TODO.xls’. Alors que vous affectez de ne pas presser le pas, vous vous faites héler de nouveau.

Sourire angélique du jeune stagiaire. Quatrième année de droit, le genre fils à papa, ‘c’est vraiment génial Internet’. Sympa néanmoins. Notre hombre s’éclate dans le droit des sociétés. Personne n’est parfait, mais c’est un métier où les $$ ou €€ sont assurés. Ce gars sera un King du codicille. Son rapport avec le jeu d’échecs ? Aucun à part ses mocassins made in Italy dignes des chaussures rebelles que Nigel Short portait dans les années 1980. Et ses deux questions ; elles vont nous ramener dans un train entre l’Allemagne et la France, dans les années 1980. Retour interminable d’un tournoi. Tou-tough, tou-tough, tou-tough, tou-tough :

« Excuse-moi, qu’est-ce que ça veut dire ‘DHL’ ». 1-0, vieux. Puis, son attention se porte sur le bouquin déjà accroché à mes phalanges : il entr’aperçoit ‘Kennedy’ : « Ça a un rapport avec les frères… » – Non, c’est un homonyme, je t’expliquerai demain, je dois y aller.
Intérieurement, je veux lui assener : ‘Il répond au doux nom de Douglas Kennedy, connard. Et je suis happé par la musique de cet écrivain : 3 romans avalés en 5 semaines. Lââââche-moi.’ Mais c’est un jour où l’on a envie d’être civilisé avec les gentils. Des gentils comme lui. La mémoire revient dans ce train des 64 cases. Tou-tough, tou-tough, tou-tough, tou-tough. Il y a dans le train Éric Birmingham et un compère ; tous deux sont allés à la pêche à la norme dans un tournoi en Allemagne. Trajet retour interminable. Bredouilles. Alors, on finit par ne plus parler de variantes. Éric, toujours prêt à refaire le monde après un plan tristôse, lance le sujet sur Voltaire. Son collègue, devenu depuis grand-maître, de rétorquer : « Il joue dans quel club ? » Respiration ventrale. Tou-tough, tou-tough, tou-tough, tou-tough.

Le Musée Voltaire

Château de Voltaire à Ferney Voltaire