Banlieue de banlieue

La vraie vie de club. Pas de Wijk aan Zee avec les superlatifs d’usage. D’autres sites, l’officiel et ChessBase  font cela très bien (en anglais) avec photos et vidéos. Revenons à la vie de club, celle des dimanches avec pluies où il faut aller en banlieue. Vous connaissez la banlieue parisienne ? Vue d’avion, on dirait un cheesecake. Sur terre, c’est inacceptable. Du point de vue de la signalisation des rues s’entend. Au lieu d’indiquer les rues sur des panneaux fléchés en hauteur comme les gringos d’Amérique du Nord, les noms de rue sont incrustés, cachés sur des murs en crépi, au mieux sur une plaque bleue parfois visible.

Dimanche 21 janvier 2007. Or donc, le match « prenez votre respiration » Saint-Quentin-en-Yvelines tiret Vincennes prend place. C’est le match syndical de Nationale III, groupe VII. Surprise, notre « féminine » est encore là. Nota : elle accouche dans une semaine. Pour contrer la signalisation de cette banlieue de banlieue, le pilote a imprimé le plan idéal au départ de Paris. Deux ronds-points au programme seulement. Vingt minutes en théorie. 12 ronds-points et 40 minutes à l’arrivée car je suis un copilote lamentable. Dix minutes de retard. On tourne dans tous les sens. C’est marqué « crèche » au milieu d’immeubles sans âme. Et pourtant c’est bien ici. De plain pied. La seconde voiture chargée de coéquipiers vient d’arriver. Entrée dans le club. Et là, le choc. Un cinq pièces d’environ 80 mètres carrés. 71 affiches ou photos de joueurs du club dispersées aux murs. Tout de suite dans l’ambiance avec des photos jeunes et vieilles de champions. Le café est déjà fort et bien chaud. Le match commence. Une équipe à redouter, mais rien de particulier en principe malgré la paire Verat-Grimberg en boute-feu sur les deux premiers échiquiers. Au 3e, ma main joue 1.e4 alors que je ne lui ai rien demandé ! Mon coéquipier au 2e ne sortira pas vivant de l’ouverture, c’est assez clair. Les positions sur les échiquiers « masculins », je ne les sens pas… Au 8e, notre trésorière bienaimée a une position complètement gagnante en quelques coups. Une demi-heure plus tard, un constat cruel s’impose : elle a deux pièces nettes de moins. Incompréhensible ! Mais n’est pas fini.

Saint-Quentin-en-Yvelines, ville nouvelle, vue d’aéronef.

Le match se poursuit dans un silence religieux. On entend quelques estomacs en train de souffrir dans le silence de positions difficiles pour nous. Ma position m’échappe. « Cela sent le sapin » selon l’expression consacrée. Et sapin il y aura. Le temps passe et nous sommes salement menés. Et soudain, la voix d’une jeune fille s’exclame : « Ce n’est pas possible ! » Un miracle s’est produit. À l’échiquier « féminin ». Un pion va aller à dame, rafler une tour, bref, l’horreur. Malgré deux pièces de moins. Le point est assuré pour Vincennes. Les échiquiers masculins ne pourront reproduire de tels miracles. Le match sera perdu à la régulière 5-3, zéro nulle.
Quelques leçons à tirer de ce match : ne jamais s’improviser copilote. Arriver à l’heure. Demander à la fédération de bannir le terme « d’échiquier féminin » au nom de l’égalité des « genres ». Et rêver que tous les matches se jouent à domicile.

Lundi. Ce nest pas spaghetti, mais la routine reprend ses droits. À langle dun  couloir de correspondance du métro Concorde, un accordéoniste sen donne à tue-tête en jouant du Bach le matin tandis quune Asiatique pince ses cordes sans trop de succès au milieu du même couloir le soir. La défaite est digérée. Vivement le prochain match!