A propos de Tal: ces jeunes n’ont plus de respect

Tal. Un génie des échecs. Comme le dit un proche de Kramnik, un Russe vivant en France : «Quand on regarde ses sacrifices spéculatifs, c’est comme des blagues.» Considéré par des générations de joueurs comme un génie, il semble qu’à l’époque où l’on devient grand maître entre 12 et 14 ans, biberonné à l’informatique (avec paire de lunettes assurée avant 17 ans), Tal ne soit plus qu’un génie… sans faire bouillir d’admiration. Ainsi, au Mémorial Tal qui vient de se terminer à Moscou, quelques participants et VIP du monde échiquéen russe ont donné leur avis sur “«le magicien de Riga»; certains l’avaient connu. Leurs propos sont reproduits sur le site du mensuel échiquéen russe 64. Le plus inattendu est celui du jeune Norvégien Magnus Carlsen, participant au tournoi, dans une interview blitz: «À notre époque, le style de Tal n’aurait pas marché.»

 

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Crénom! Sursaut général. Crime de lèse-Tal! Tal n’était pas qu’un joueur qui sacrifiait, jeune homme. Il n’était pas seulement celui qui envoutait ses adversaires par son regard. Il n’était pas seulement cet homme un peu rachitique, trois doigts à une main, buvant de la vodka comme du soda et frappé par des problèmes de santé à répétition. Il travaillait énormément. Et son jeu positionnel est ahurissant de profondeur quand on se plonge dans ses parties. Idem pour ses parties en blitz. Vous l’avez déjà vu jouer en blitz? J’ai eu cette chance (Montpellier 1984 avec Vaganian pendant des heures, Paris 1983 après sa prestation « Les échecs dans le métro »).

Carlsen ajoute par ailleurs qu’il se considère «professionnel», qu’il joue «selon la position» (sous-entendu, par contre le bonhomme).  Mais que penser, cher Magnus, de nos plus grands champions louant leurs neurones dans des matches contre des machines? Retentissement médiatique: zéro. Retentissement commercial pour la marque: à voir. Retentissement bancaire pour ces champions: important. ‘À notre époque’, cher Magnus, il nous manque ces fous du roi, ces grains de génie dispersés sur l’échiquier, ces as du spectacle. Assez des petits robots répétant une ouverture jusqu’au vingt-cinquième coup comme un lem s’aventurant sur la Lune! Seul Kasparov combinait les genres. Génie, culture encyclopédique et lecture du jeu de l’adversaire. D’ailleurs il admirait Tal. Et réciproquement. Mais Kasparov est parti s’investir dans la politique russe. Jouer les trouble-fête et les fous. Contre le roi Poutine, dans une série de sacrifices “spéculatifs” où il ne récolte, pour l’instant, que de mauvais coups.