Les Marocains, de vrais petits Suisses

Exploit de la première ronde des olympiades : le Maroc bat l’Inde 3 à 1. Anand était absent du match, lost in translation quelque part entre Sofia et Turin. Emmenée par le n° africain, le GMI marocain Hamdouchi, le match ne souffre aucune contestation. C’est D’jack qui m’a prévenu. Jacques Elbilia, parigot tête de veau au niveau de son club, mais jouant pour l’équipe du Maroc a explosé son forfait de téléphone portable. Pas pu en placer une : « Môôônstru-eux… unique dans l’histoire des échecs… », l’équipe jouait sur un nuage. D’jack s’est calmé. Et au moment même où j’allais jouer au vrai-faux reporter et lui placer ma première question, il me joue « h4-h5, sacrifice, sacrifice, mat » par téléphone : « Excuse, j’chte laisse, ça frappe à ma porte, j’dois y’aller. » Ce n’était pas la police italienne qui traque de nombreux participants pour trafic stupéfiant de pizzas surgelées dans l’aire de jeu, mais son capitaine qui venait le chercher. A moins de quinze minutes du début de la ronde. Merci vieux, pour l’info. C’est du lourd. Bon que faire avec cette bombe ? Je ne suis pas dans un quotidien, dans une agence ou un mensuel familial. Alors, j’ai gardé l’info sous l’coude quelques jours. Désolé, m’fallait un peu de soleil, moi aussi. C’était trop bon. Et il m’a fallu attendre quelques jours pour voir les parties.
C’est vrai, c’est aussi cela les olympiades : le système suisse classique permet des rencontres improbables où les Tigres (de papier ?) se font parfois manger tout cru par des soi-disant petites équipes. Tant mieux ? Tant pis ? Sais pas, tant le concept « match par équipes » sur quatre échiquiers me paraît limite. Autre débat.
L’autre info du jour selon D’jack, « et que personne n’a donnée, c’est dingue », c’est que sur cette première ronde, il n’y a eu aucun affrontement entre GMI. « Et c’est la première fois dans l’histoire des olympiades… ». OK, après vérification des matches table par table grâce aux tableaux clairs du Wiener Schachzeitung qui est le site officiel pour les résultats, c’est OK-dokay. Pour la seconde affirmation, je n’en mettrai pas mon coup de pied au feu.
Le système suisse fait son œuvre de tamis : déjà après six rondes, de nombreux matches se terminent par des scores de parité, inévitables sur 4 échiquiers chez les hommes. Plus les rondes avanceront, moins les exploits feront la une. Au fait, cela n’est pas expliqué, mais on ajoute le nombre de points de victoires. Du coup, dans la dernière ronde, la chance joue quand les scores sont serrés. Ainsi, l’URSS devait vaincre la Pologne 4-0 dans je ne sais plus quelle olympiade (1986 ?) sous peine de ne pas être première. Elle moissonna, avec Kasparov jouant un gambit Benko et Karpov massacrant Sznapik avec une nouveauté théorique sur un Dragon.
Sur les six premières rondes donc, j’ai bien aimé regarder les parties des « petites » équipes. Impression, peut-être fausse, « ça joue plus ». Dans les fortes équipes, les capitaines ont sorti le thermomètre à trouille pour leurs joueurs, et le fighting spirit s’en ressent. On essaie de gérer au mieux le pauv’gars qui a pris sa bulle du jour. À suivre demain dans une interview (presque imaginaire). Et en exclusivité, bien sûr !