Dans la chaudière du Top 16

Asnières, 5 mai 2006, antépénultième ronde du championnat de France par équipes. Z’appellent ça le « Top 16 ». Traduire : moins de frais pour les équipes pauvres et moins de matches inutiles pour les équipes fortes. Dans la pratique, pas plus de trois équipes sont en course. Une seule, NAO (Paris), domine outrageusement depuis des années. Ces deux dernières saisons, elle a un peu été secouée, mais a quand même remporté le titre avec son armada de GMI. Premier kibbitz croisé après avoir pris boulevard Voltaire, rue Diderot, rue Rabelais : le vétéran Christian Caminade. Large chapeau tout droit sorti d’un film. Avec son inimitable accent bordelais, sûr de lui, il m’invective : « Tu écris toujour-reu n’importeuu quoi. » Ouf ! Certains vont être rassurés. Ils ne sentent plus seuls. C’est à propos de la Seine-et-Marne et de sa superficie, évoquée dans une note. Il connaît la superficie de la France par cœur « depuis l’âge de douze ans ». Et c’est réfutation. T’as raison, Christian, mon département d’origine échiquéenne est même en 51e position d’après Wikipedia. Vous vous en foutez ? Moi pas trop, il m’a claqué l’beignet le Christian. Il ne pourra pas sortir sa célèbre maxime : « Chaque fois je la joue-eu, chaque fois je la pèr-reu. »
Arrivée dans l’Espace Concorde. C’est plutôt un grand gymnase. Les tables sont en ligne de mire. Peux pas regarder les parties, c’est la valse des poignées de main. À tel point que je me décide à les compter pour le fun du blog : (…) Lautier 9e, Basaille 15e, Dominique Primel 16e, Marzolo 18e, Nathalie Lefranc (+ bise) 19e, Bacrot 21e suivi d’un triplé Chtchekatchev, Kazhgaleïev, Marcelin, (…) Bauer 29e, bon j’arrête, mais ça a dû faire plus de cinquante en quatre heures de présence.
Finalement, balade dans les travées. Tiens, c’est qui lui ? Ooops, il a changé de poids. Et lui, c’est bien l’Anglais Howell ? Par contre il a pris cinquante centimètres depuis qu’on s’est croisé à Cappelle-la-Grande, il doit faire dans les 1,92 m. Après dix bonnes minutes de réflexion, je pige comment sont organisées les tables. La signalétique est cheap : pancartes minuscules, aucun signe distinctif, pas de cordon. Pas d’écran non plus. Ils sont au deuxième sous-sol sans ascenseur dans une salle d’analyse géante et climatisée. Aux manettes de l’arbitrage, des têtes connues : l’inénarrable T’charl’z-Henri Rouah, jamais avare d’une blague de son crû, Jean-Christophe Basaille, tendu comme pour une finale du Mundial et, et, Christophe Guéneau. Journaliste, Christophe est devenu organisateur, prof et est agent de joueurs. Son plus gros poulain ? Guelfand !  Une partie de son écurie est ici. Je l’ignorais il y a encore quinze jours. Aux manettes fédérales : les mêmes que d’hab : Joëlle Mougues et Erick Mouret. Côté GMI et MI, y’a du point Elo au mètre carré. Des parties serrées… puis desserrées vers la troisième heure de jeu où les points tombent. NAO fait un match professionnel contre Gonfreville : quatre massacres, par ordre d’échiquier : 2. Vallejo Pons-Degraeve, 4. Grichtchouk-Eliet ci-dessous, 8. Vachier-Lagrave-Vallin,  9. Justine Ferry- Sylvia Collas. Des nulles ailleurs notamment Fressinet, Bacrot et Lautier au 7 contre un Midoux bétonneur (2320). La poule basse est reléguée au fond de la salle. En fait, c’est quasiment comme un open au niveau de la mise en scène et du nombre : 16 équipes de 9 joueurs soit 144 joueurs. Et mieux, beaucoup mieux au niveau de l’odeur. Ah zut ! c’est pas politiquement correct d’écrire ça. Je l’effacerai une prochaine fois.
On m’cause du blog. On vient me raconter des grandes et des petites nouvelles. Et puis, et puis, en fin de journée, le président de la Fédération arrive. « Salut Jean-Claude ». Et ça part très vite. Jicé s’emballe sur le mode de : « On les r’connaît les amis de trente ans » (tiens merde, déjà, il a raison, mais j’avais oublié les Kleenex). On lui a rapporté le contenu de la note du 02.05 sur ‘l’idiot utile’. Il ne l’a pas lue. Il démarre très fort. Je joue serrure et reste zen. Jicé déballe des papiers, des preuves de milliers d’euros qui vont tomber dans la caisse fédérale, des championnats de France bouclés jusque… ah excusez, j’ai oublié, faudra attendre le prochain communiqué officiel. Ah putain, qu’il a besoin d’amour et de reconnaissance ce vieux pote. C’est vrai qu’il se défonce pour les échecs ; c’est vrai qu’il a envie de faire avancer les choses. Arrêtez d’le critiquer, il veut que du bien pour les échecs. Susceptible lui ? Difficile à dire car je ne savais plus si je parlais au président ou au vieux pote de trente ans. Soudain le doute. Affreux, forcément affreux. Ai-je « déblogué » ? Peu importe. Bon, paraît « qu’en fait » il est très pote avec Léo. Léo Battesti. Super. Dont acte. Euh… Caminadeuuu, tu me rajoutes une croix s’il te plaît ! La tension retombe. On se quitte bons amis. Rendez-vous dans trente ans ? Eh non ! Le lendemain, 13h24, heure du XIVe arrondissement. Le portable sonne : 06XXX. Kissé s’lui là ? Connais pas. Je suis ‘Bonnard’, en route pour le dernier jour de l’expo de ce peintre génial. C’est Jicé. Mon ami de trente ans. “Oh ouiiiii” comme tu disais quand tu étais joueur à Clichy, Jicé. Dix minutes de conversation. Jicé a enfin lu la note. Ouf ! Le soufflé est retombé, mais je ne suis « pas sympa pour l’idiot utile ». Pourtant, comme on dit dans la mafia, y’avait rien de personnel, si, si, je t’assure, c’est juste le principe, quoi.
Puis vient un SCOOP pour les lecteurs du blog : les capitaines d’équipe se sont réunis et ils veulent conserver la même formule du Top 16 pour l’an prochain. Ah c’est du lourd, ça. Les Jité de 20 heures risquent de se précipiter… « Et pour distinguer les joueurs ? » Réponse de Jicé : on envisagerait des maillots par équipe. Pas bête… tiens et pourquoi pas des arbitres en noir ? des spectateurs avec un badge ? et des pom-pom girls pour faire chauffer la salle ? M’enfin, c’est sûr, faudra trouver quelque chose de lisible car on n’y comprend rien : sauf erreur, il n’y avait pas de tableau sur les matches en cours, la position des équipes, des leaders, une liste des joueuses et des joueurs, bref rien pour faire vivre l’événement au moins pour le petit public des licenciés. Rien en dehors des parties pour tous ces kibbitz venus ou revenus. Pas même de bière au bar. Bon j’arrête là, on va encore dire que je suis négatif.
Donc terminons pour le fun sur une partie de la 8e ronde de la poule basse opposant Nancy aux derniers, Avignon. C’est sur le 9e échiquier féminin. Nathalie Franc (Mme Bauer) fait mat en neuf coups à une petite jeune : Mélanie Briatte (1009) – N. Franc (2035) : 1.d4 d5 2.Cc3 Cf6 3.e3 Ff5 4.Cf3 e6 5.Ch4 Fg4 6.Ce2 Ce4 7.Dd3 Dxh4 8.Cf4 Dxf2 mat.

J’oubliais : Caminade, tu me mets une demi- croix, s’il te plaît. Les parties du Top 16 sont toutes rentrées le lendemain et téléchargeables sur le s
ite fédéral. Foi de Jicé, c’est lui qui m’la dit et c’est vrai. Cela ne prend donc pas une dizaine de jours. Bravo la fédé ! Demi-croix car la base n’est pas tip top, il manque parfois le résultat final (qu’on devine aisément).

Une partie impressionnante de Grichtchouk (NAO) contre Eliet (Gonfreville). Notez l’utilité des coups des blancs et le coup mortellement tranquille 30.Cg6. Il restait moins de 2 min au Russe dès le 22e coup (incrément de 30 s à chaque coup joué).

A. Grichtchouk (2719) – N. Eliet (2432) 04.05.06, Défense Sicilienne

1.e4 c5 2.Cf3 a6 3.Cc3 b5 4.d4 cxd4 5.Cxd4 Fb7 6.Fd3 e6 7.0-0 Ce7 8.Fg5 f6 9.Fe3 Cbc6 10.Cb3 Cg6 11.f4 Fe7 12.f5 Cge5 13.Dh5+ g6 14.Dh3 Rf7 15.a4 b4 16.Ce2 Cxd3 17.cxd3 exf5 18.exf5 g5 19.d4 Ca5 20.Cc5 Fd5 21.Fxg5 Fxc5 22.Dh5+ Re7 23.dxc5 Dg8 24.Fxf6+! Rxf6 25.Dh6+ Rf7 26.Cf4 Fc6 27.Dh5+ Re7 28.Dh4+ Rf7 29.Tae1 Te8

30.Cg6!! (menace Te7+) hxg6 31.fxg6+ Rg7 32.Df6+ 1-0