Le client

« Tiens v’là un point ! » C’est par cette sympathique remarque que certains joueurs étaient apostrophés à leur arrivée au tournoi de blitz de Caïssa le samedi, dans les années où Mme Chaudé se dévouait corps et âme à son club parisien. Mme Chaudé est partie. De nombreux « clients » sont restés. Un client, dans le jargon échiquéen, est un joueur contre qui vous gagnez pratiquement systématiquement. Rien à faire, il perd, même quand la position lui est favorable. Bref, le contentieux psychologique est tel que le joueur qui « clientélise » – et qui est en général le plus fort – pense tout pouvoir se permettre. Le « clientélisé » passe par toutes les couleurs quand il voit arriver son bourreau : « Oh non, pas lui, encore !» (© Beau-père d’Étienne Bacrot quand il voit JP Mercier arriver !).

On pourrait penser que ces joyeuses apostrophes sont réservées à l’amateur ou à la vie d’un club. Elles sont légion, même parmi les forts joueurs. L’Anglais Short a été, pendant de nombreuses années, le « client » de Judit Polgar (genre 8-1 et des nulles). Avant la partie, il se lamentait, pendant, il avait sa tête de perdant et après la défaite, il invoquait son « incapacité à jouer contre les femmes ». Judit elle-même était la cliente attitrée de Kramnik sur un score à peu près identique. Chirov était mené 10 à 0 contre Kasparov. Quant à Karpov, il a eu tellement de clients qu’il les a tués psychologiquement pour de nombreuses années.

Et vous ? Avez-vous eu des clients ? Et êtes-vous client ? Oui, bien sûr… Mais l’essentiel, c’est de le savoir et de ne pas tomber dans le syndrome « François Pignon ». Tiens, on devrait s’organiser des « dîners de clients ». Une idée à creuser pour développer les échecs français !