World Cup à Bourges

La World Cup *** de jeu de dames s’est déroulée à Bourges du 22 au 27 avril 2025. Le jeune MI néerlandais de 15 ans, Matheo Boxum, termine 1er au départage devant 3 GMI avec ‘+4’ (1). Il réalise sa première norme de GMI.
Cet open de 92 joueurs en 8 rondes réunissait six des meilleurs joueurs mondiaux masculins dont le Français Arnaud Cordier. Alexander Shvartsman (drapeau israélien, formé en URSS, vivant aux Pays-Bas) et, côté féminin, la Polonaise Natalia Sadowska (née en 1991), vice championne du monde.

Les GMI néerlandais étaient, comme de coutume, venus groupés avec leur manager payé par la fédération sportive des Pays-Bas. Ils s’entraînent ensemble depuis des années sous la houlette de ce même « manager » dans une bonne ambiance de camaraderie. Mais une fois sur le damier, il n’y a pas de « nulle de salon ». Dans leur sillage, plein de compatriotes très forts.

Tous étaient pratiquement habillés en orange à chaque ronde, Le meilleur joueur africain, le Camerounais Jean-Marc Ndjofang aurait pu accrocher les premières places, mais il a subi une défaite dès la 3e ronde contre le GMI néerlandais Martijn Van Ijzendoorn, né en 1997. Plus tard, il a laissé filer un gain dans une fin de partie.
Son compatriote Christian Niami et « régional de l’étape », a commencé par 3 victoires contre des Français, 2 remises contre les GMI néerlandais Van Ijzendoorn et Slump mais il fut stoppé à la 6e ronde par le futur vainqueur, le jeune Boxum, puis à la 8e par le GMI français Arnaud Cordier, toujours au rendez-vous pour marquer le point quand il le faut.

Les sœurs lettones Misane ont fait le spectacle, surtout la plus jeune, Alise, née en 2014 ! Elle a battu sa sœur aînée, Malvine, née en 2010. Déjà, à la World Cup de Riga en juillet 2014, à 9 ans, elle « avait fait la misère » au champion du monde en titre d’alors, Yuri Anikeev à la dernière ronde (2). A Bourges, elle n’a subi qu’une seule défaite en huit parties et termine à la 16e place avec 10 sur 16 !

Il faut dire que les jeunes Lettons sont entraînés par un ancien champion et une ancienne championne du monde. Conséquence : on les « voit arriver » dès les championnats d’Europe jeunes par catégorie d’âge

Le Français Jean-Lou Praud, 22e sur la ligne de départ, termine 30e avec 9 points sur les 16. Il termine avec une remise contre la championne du monde Sadowska (MI masculin, GMI féminin), une autre contre le MI Sekongo avant d’échouer contre le GMI néerlandais Sipma à la dernière ronde lequel remonte ainsi à la 7e place. Jean-Lou réalise sa 4e norme de maître FMJD (équivalent à maître FIDE) . Il en avait déjà 3. Il ne savait pas qu’il fallait demander la valiation à la FMJD.

Dans la grande salle se situant à l’extérieur de la ville, tout près de l’entrée de l’autoroute, pas une mouche ne volait et rien ne dérangeait les retransmissions en direct. Rien ? Presque. Le maire Yann Galut est venu saluer en bon républicain les 92 participants avant que la première ronde ne soit lancée pile à l’heure. Discours bref, merci.
Mais… il y a toujours un grain de sable quand on observe ces sérieux damistes. Comme le disait le vice-champion du monde d’échecs David Bronstein: « Ils se prennent tellement au sérieux alors qu’ils ne font que pousser du bois. » Lui le fit avec tellement de talent toute sa carrière… Eh bien, la technologie se rappella à cette World Cup.

Primo, bon anniversaire Georges Delia. Dring, dring, son téléphone n’a pas pleuré mais sonné. Comme aux échecs, perte de la partie.

Segundo. A l’avant-dernière ronde, mon adversaire néerlandais, Bert Bergam né en 1952, arrive en retard de 7 min. En sueur, il s’excuse. Il bredouille qu’il n’a pas bien dormi. Avec plus de deux cents points d’écart au classement international et plus de cinquante ans d’expérience, le tube berruyer à diffuser sur les radios locales « Je te découpe en morceau lentement » est prêt. Ma défaite est quasi certaine. Lentement. Lentement est important, car le jeu de dames est un jeu lent où l’on met du temps à se positionner selon différentes phases, il ne faut pas « se laisser enchaîner », « laisser des trous », ne pas couper sa position « en deux », bref un tas de thèmes… et bien sûr ne perdre aucun pion et encore moins se laisser placer un combinaison plus ou moins magnifique car sinon, on marque zéro et l’adversaire marque les deux points de la victoire.

Au bout de 4 coups alors que c’est à lui de jouer, la sonnerie de son téléphone fait un buzz. Le réveil. La tuile. Il se lève d’un bond et s’enfuit dans la salle d’entrée où l’on sert café et boissons. Nous sommes dans les derniers rangs, niveau pré-patate (5/14), pré-mazette, à environ 25 m de l’estrade de l’arbitre international Richard Przewozniak.

Mais Richard… a ouï. Il fonce vers la salle des boissons et Begeman dit ‘oui’ enfin, yes. Il avoue. Resté à la table contemplant avec admiration le charisme d’huître que peut avoir une pendule électronique grise, j’attends. Richard revient à ma table. Il est très grand, élégant avec son costume. Par un aller retour indexique typique d’une convocation, il m’invite à les rejoindre à l’abri de la salle de jeu où les neurones vont dans tous les sens.

Eh bien, oui, j’eus ouï. La perte de la partie est formalisée en 2-2. Et cela compte pour le classement international. Aïe! Réaction du joueur: « It’s ridiculous ! »
Papa, cette règle existe depuis plus de dix ans et aux échecs au moins autant. Écœuré, le monsieur annonce à l’arbitre qu’il quitte le tournoi derechef. Retour charriot aux Pays-Bas.

Aux échecs, si tu préviens l’arbitre de ton forfait de mauvais joueur à la dernière ronde, tu n’as pas de sanction et tu n’es pas apparié. Punto.
Perso, je trouve aussi que c’est une çonnerie cette règle. Mais pour l’avoir mangée deux ou trois fois en ma défaveur dès le 3e coup, je n’ai rien dit mais j’ai fini par comprendre. En l’espèce après cette vraie fausse victoire, je suis allé en ville voir Jules et Jim. Pas ceux du film ou du roman. Mais la marque. Gambit de 76 € pour une chemine et un pantalon blanc magnifique. Bert n’a pu le voir. Il était déjà sur la A71.

Tertio
. L’histoire ne s’arrête pas là. Pendant mon absence, un ancien champion de France, et pas des moindres, Fidèle Nimbi (né en 1941 !) a perdu à cause de cette même règle. Il n’a pas protesté. Trois sonneries dans une World Cup, premier record ? Queston record, une troisième World Cup en France après celle de Drancy en 2023 serait plutôt une meilleure statistique.

Autre record : après vingt ans d’absence et un retour l’an passé au champion de France (4e), Luc Guinard (né en 1958 et 1776 Elo aux échecs) a perdu au temps. La cadence était de 1h20 + 1 min par coup pour toute la partie. C’est sa seule défaite et il termine 20e.

Ghislain Baligand, Olivier Segura et leur équipe vont refaire un événement d’ampleur international l’an prochain. Bravo à eux.

(1) C’est la différence entre le nombre de victoires et de défaites. Boxum a gagné 4 parties sur 8 sans défaite. Le GMI français Cordier a +4 aussi : 5 victoires et 1 défaite, il termine dernier au premier départage.

(2) A la dernière ronde alors que celui-ci pouvait accentuer un avantage durement acquis au 43e temps, pschitt!, un malheureux 43…11-16, et la p’tite jeune s’en sortait de justesse. Le champion du monde ‘cracha’ trois pions (56e), fit un « collage avec sa dame pour reprendre trois pions.

Rappel de quelques règles du jeu de dames :
‘Souffler n’est pas jouer » n’existe plus depuis cent ans. Le jeu de dames tel que nous le connaissons actuellement se joue sur un damier de 100 cas dont 50 utiles. C’est le jeu dit international avec 50 cases utiles.
La prise est obligatoire
La prise majoritaire est obligatoire : prendre entre 2 ou 5 pions, on doit prendre les 5 pions. Cette règle permet de planter des combinaisons.
Les pions ne reculent pas sauf en cas de prise.
3 dames contre 1 et c’est partie nulle sauf quelques exceptions-pièges.
Un piège similaire au coup du Berger aux échecs est dénommé le « coup de mazette ».
La plupart des combinaisons portent un nom en français (coup du Boulanger, coup de talon, coup de croc…)

La notation du jeu de dames dite « Manoury » est atroce.
Chaque case est numérotée de 1 à 50 et ce n’est pas intuitif.
Côté noir, le 1 est à droite et côté blanc 50 est à l’extrême droite.
En combinant des cases-clés et les colonnes dont la terminaison est la même on peut s’en sortir, mais en zeitnot ce n’est pas évident a fortiori en cas de prise de plus d’un pion.
A tel point que de forts joueurs ne l’ont pas encore assimilée : ils ont besoin d’un carton ad hoc pour noter leur partie.

Entraînez-vous sur lidraughts.org, le cousin de lichess. Prenez un compte et mesurez vos progrès en combinaisons ou en parties.

Plein d’informations sur le site de la FFJD

Les 3 étoiles de la World Cup signifient un minimum de prix garantis par l’organisation. Trois étoiles = 6 000 € de prix. Pour quatre étoiles, il faut 10 000 €


Classement complet (final standings)