T’as voulu voir Fahim, on est allé voir Fahim

LE film Fahim sort sur une centaine d’écrans en France ce mercredi 16 octobre 2019. Devrait-on d’ailleurs dire écrins ? L’histoire est basée sur une histoire vraie, celle que de nombreux Parisiens et jeunes du championnat de France ont connu. Celle de Fahim et de son père. Ils quittent leur Bangladesh natal. Ils débarquent au club de Créteil. Les échecs les sauveront.

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Quand Gérard Depardieu a reçu le scénario, il a dit « oui » tout de suite d’après le réalisateur que l’on voit environ quinze mintues en tant qu’acteur dans son propre film, une version long métrage du caméo… Au-delà du périple d’un gamin quittant le Bangladesh avec son père et un jeu d’échecs en guise de mère, ce film d’apparence familial c’est un peu la Samaritaine d’antan : on trouve la générosité, le partage, les valeurs, l’intégration, la compét, la mauvaise foi des dirigeants et la mauvaise réputation au village pour les immigrés. C’était une chanson si chère à Xavier, Xavier Parmentier (1963-2016) l’entraîneur du vrai Fahim interprété avec retenue, générosité et force par Gérard Depardieu. Du GGG _ grand GG _ quoi.
Les non joueurs verront un Depardieu juste mais pas trop truculent. Les licenciés fédéraux retrouveront tant du vrai entraîneur, le regretté « XP ». Isabelle Nanty accompagne la tribu du club. Elle est si puissante dans sa vraie fausse simplicité de maman de club que l’on a envie d’en commander des comme ça dans les quelque neuf cents vrais clubs de la fédé composée aux trois quarts de moins de vingt ans.
Avant de sortir ce mercredi au milieu de tant de films à gros budgets qui ont mangé le cheptel des salles, le Fahim a rodé sa tournée dans des villes de province. Le vrai Fahim et le vrai réalisateur ont souvent présenté le film avec l’appui du club local. Bon, les joueurs sont contents. On n’a pas un n’acteur dont on voit tempo qu’il ne sait pas déplacer les pièces. Depardieu a fait du bon job, les plans de coup, les plans de coupe et les xx façons de tourner ce qu’il y a de plus immobile pour un cinéaste _ une partie d’échecs _ ont été déclinés à qui mieux plus.
D’où cette tournée tournis : t’as voulu voir Fahim, on est allé voir Fahim. Quelques huiles de la fédé ont accompagné le film dans ce tour de France et l’accueil a été bon voire très bon. C’est probablement un bon petit film qui fera une carrière sur la durée avant d’être diffusé par le coproducteur France 3. On écrase sa larme souvent. La musique? Eh bien, ce n’est pas du Tarantino. On en fait des tonnes. Coucou, écrase ta larme, c’est maintenant, merci les violons, pfff. Je ne sais pourquoi, mais mon cerveau malade a mis en route pendant la seconde projo et pendant les violons “Quand ma zézette yoyotte” de Dranem pour me remonter le moral…
J’ai vu le film deux fois ; la première à Châlons-en-Champagne, pendant l’immense foire où notre GG/Obélix se serait sûrement régalé aux tables. Patrick Bruel y donnait un concert le soir. Il aime les échecs, il s’est fait prendre en photo par la FFE, mais il s’est fait auditionner par la gendarmerie dans la loge avant de passer sur scène. Alors la FFE a retiré les photos de son site…
J’ai trouvé des longueurs au film à certains moments. En fait, quand tu connais les joueurs, le club de Créteil, des figurants, le vrai Fahim lui-même que l’on aperçoit en tant que figurant comme la petite souris qu’il faut reconnaître dans un album de Babar:), tu passes à côté.
La deuxième fois, c’était au Sénat le 7 octobre. Quelques présidents de clubs, beaucoup de CSP++, Boris Spassky… junior (!), « président » (de la FFE, Bachar Kouatly). Allez, les morfales, arrêtez avec le buffet, on va voir le film dans un cinéma proche : 2 bobines, une pour la salle du haut, l’autre pour la salle du bas. Karpov file à la ruse et à la russe après un quart d’heure. Il ne comprend ni le français ni le bengali.
Cette fois, tu écrases ta larme plus souvent. Le GG est géant, la Nanty a anéanti toutes les mamans d’échecs et t’es assommé à la fin quand tu vois deux photos du vrai Xavier Parmentier avec la mention : « Ce film lui est dédié. » Parce que lui ne “jouait” jamais. Il ne trichait pas avec ses sentiments. Et c’était un vrai pote d’échecs.
Fiche tactique et positionnelle
La moitié du film est en bengali, c’est une langue où l’on parle « en blitz ». Cela donne un coup d’accélérateur aux plans et au film. Les deux acteurs interprétant Fahim et son père… ne sont pas des acteurs et ne savaient pas jouer non plus ! Ils ne se ressemblent pas, mais le regard du père est si fort qu’on croit voir celui du vrai qui a beaucoup pleuré en voyant le film.
Celui qui joue son vrai “rôle”… c’est le Premier Ministre de l’époque, François Fillon. A la suite d’une question bienvenue en direct dans la matinale de France Inter, il a donné l’ordre que le cas de Fahim soit examiné dans la journée. Et tout s’est débloqué pour une belle histoire. Le film reprend cette séquence. Et c’est fort.
Article du Parisien suite au décès de XP
Réécoutez François Fillon le 4 mai 2012 à la Matinale de France Inter

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et ici sur Fahim
Une partie du père de Fahim, Nure ALAM dans un open de l’APSAP alors que Fahim n’avait que 10 ans et se levait entre les coups : il ne tenait pas en place et courait dans la salle en attendant que son père termine ses parties.
A lire ou relire, la vraie histoire de Fahim: Un Roi clandestin coécrit par Xavier Parmentier et sa cousine Sophie Le Callennec (Les Arènes, 2014)