Yoccoz : un génie mathématique part dans l’infini
Jean-Christophe Yoccoz est décédé le 3 septembre 2016 d’une longue maladie. Il avait 59 ans. La nouvelle n’a été rendue publique que le 5 septembre par l’Académie des Sciences et a été suivie d’un communiqué de l’Élysée.
Yoccoz était un génie des maths. C’était aussi un joueur de compétition qui jouait décontracté à 2200 Elo (550e joueur français à ce jour).
Né en 1957, il remporte l’Olympiade de maths en 1974 et termine major à Normale Sup l’année suivante. La médaille Fields sera obtenue en 1994 et consacrera ses recherches.
Les quadras et quinquagénaires parisiens connaissaient bien Jean-Christophe Yoccoz.
A 200 m de Normale Sup, il y avait le café « Chez Max », rue des Feuillantines, où se réunissaient les meilleurs blitzeurs parisiens : Manouck, Fornasari, Benaribi, Jolliez, Lemoine et tant d’autres.
Sacha Ladisic, devenu prof de maths, témoigne : « Dès qu’il a su qu’il y avait un club dans les parages, il est venu s’inscrire. Il était d’une simplicité et d’une modestie incroyable : il n’avait pas mentionné qu’il était normalien ni qu’il était déjà une vedette dans sa spécialité. En arrivant, il avait déjà un bon niveau et voulait être reconnu comme joueur d’échecs, je crois. Il est d’ailleurs devenu l’un des piliers du club. »
Vite accepté parmi les blitzeurs, il prolonge les séances jusque tard dans la nuit. Il joua aussi dans les années 1980 le championnat de Paris et les Accession du championnat de France. Fort joueur de l’Accession à l’époque, Ladisic se souvient : « Il a passé une nuit entière à m’aider à préparer une partie contre Goldenberg (variante Sveshnikov) que j’ai gagnée le lendemain en grande partie grâce à son aide. Aldo Haïk l’avait d’ailleurs commentée sa chronique du Figaro.»
Yoccoz, c’était aussi la décontraction même avec une immense tignasse bouclée, un sourire rêveur en coin, des sandales et une corpulence qui en imposait sur l’échiquier.
Pour l’ancien champion de France Nicolas Giffard, membre actif de la bande, c’est aussi la tristesse : « J’ai rarement connu quelqu’un d’aussi sympathique, très brillant et très humble en même temps.
Cela faisait quelques années que je ne l’avais pas vu et j’ignorais qu’il était malade. Dernier souvenir, chez lui en banlieue sud : il avait invité tous les joueurs de l’Échiquier latin [club avec pas mal d’anciens membres de Chez Max] et sa femme brésilienne nous avait fait danser la samba ! »
Toutes nos condoléances à sa famille (de scientifiques également) et à son autre famille, les chercheurs en mathématiques.
- L’hommage rendu par ses pairs du Collège de France
- VIDÉO : Quatre médaillés Fields présentent leurs travaux à l’Institut Poincaré (1994). J.-C. Yoccoz explique que les mathématiques sont [par rapport à l’accumulation des connaissances] « une pyramide posée sur sa pointe (contrairement à certains aspects de la physique) et qu’en Terminale, le niveau de mathématiques enseigné s’arrête à peu près à 1850. » Il conclut avec la décontraction de celui qui maîtrisait cela très très jeune : « De la fac jusqu’à la maîtrise, cela va jusqu’à la Première Guerre mondiale. »
- Suivre diverses conférences de Yoccoz (liens YouTube)
Visitant votre site pour la première fois et apprenant avec tristesse le décès de Yoccoz (je ne le connaissais que par son nom) j’ai aussi le souvenir d’un garçon humble et accessible avec un mélange jovial /effacé, j’ai surtout partagé avec lui une période très sympa que vous évoquez sur le café du quartier latin, rue des feuillantines, avec des nocturnes de blitz interminables et très animées! et où se retrouvaient très régulièrement de la graine de futurs champions (Giffard, Yoccoz, Manouck..). J’ai décroché pour ma part depuis très longtemps tout lien avec le monde des échecs même si j’ai pris un très grand plaisir à revoir tout récemment(ça me prend 1 ou 2 fois par an;-)) la 6e partie du match Fischer/Spassky, un monument du genre. Bonne continuation et longue vie à votre site attrayant.
Un génie mais surtout un type très sympa. JCM