Échecs « féminins » : une variante symétrique impayable !
Un règlement oblige les équipes du Top 12 à Nationale 3 (soit 4 niveaux) à jouer avec au moins une joueuse de nationalité française. Ce qui était autrefois une mesure incitative est devenu un débat entre clubs et la fédé avec quelques effets pervers et d’autres totalement hilarants.
« Le petit business des échecs féminins », a montré un aspect du problème dans une note du 25/10/2012.
Mais oyez, oyez, objecteurs de conscience de la gente dame au 8e échiquier. Cette saison, un club de Nationale 2 a recruté une personne qui ne savait pas jouer pour exécuter quelques coups contre une pige de 50 €. Une seule partie dans un match sans enjeu. Et ce qui devait arriver arriva…
Cliquer ici pour lire la suite. Interdit de rire.
Cette saison, un club de Nationale 2 a toujours eu des problèmes pour trouver une joueuse. Mais le capitaine est malin. C’est un homme moderne et prévenant.
Merci les téléphones intelligents, il sait qu’il peut licencier un nouveau joueur ou une nouvelle joueuse à tout moment via le site fédéral. De plus, son travail lui donne accès à des panels d’individus dans toute la France.
Trouver une joueuse dans un panel
Bingo ! C’est ainsi qu’il put dénicher in extremis une jeune femme d’une trentaine d’années dans la ville où son équipe se déplaçait. Ils ne s’étaient jamais vus. Elle ne savait pas jouer aux échecs.
Elle accepta par courriel le déplacement contre trois fois rien : un billet de 30 €, soit l’équivalent d’une heure de cours avec un grand maître international. Elle ignore ce qu’est un maître et que donner des cours est possible (voir commentaire de « analyse post mortem » qui apparemment était sur place!!)
La symétrie, on en rit
Comment débuter une partie quand on ne sait pas jouer ? Le joueur le plus expérimenté de l’équipe eut une idée de génie ; puisqu’elle avait les noirs, la demoiselle n’aurait qu’à jouer symétrique. Bref, elle n’aurait qu’à « copier » les coups adverses histoire de faire illusion, puis de se faire mater et bonjour chez vous.
L’ingénue panélisée se prit tellement au jeu qu’elle accepta de bonne grâce d’apprendre la marche des pièces en quelques minutes. C’est beau, non ?
… mais les noirs sont blancs
Patatras ! Dans son grand zeitnot à rencontrer la joueuse, à localiser la salle du tournoi de l’équipe ennemie grâce au Guidage Par Satellite de son téléphone intelligent dont la batterie menaçait d’atteindre le seuil critique de 15% de charge, le capitaine se trompa !
L’échiquier féminin n’avait pas les noirs… mais les blancs ! Le diabolique stratagème fomenté à la hussarde tombait à l’eau.
C’est alors que le plus Elo-gradé – toujours le même – trouva la parade. Sur l’idée de la symétrie, la joueuse n’avait qu’à rendre ‘un temps’, jouer à la Nataf 1.a3 au premier coup… pour ensuite copier les coups adverses comme prévu.
« a3 de jouer » donc selon la formule rendue célèbre par le GMI Nataf dans sa partie contre Mullon.
Après 1.a3, à moi.
La bataille psychologique débute. Comme tout(e) non classé(e), l’ingénue a un classement de 1499 par défaut. Son adversaire, une femme vétéran, avait un classement inférieur à 1400. Elle se méfia hautement de ce premier coup absent des manuels de savoir-jouer d’une compétitrice au Elo stratosphérique.
La partie d’anthologie débute
1.a3 e5 2.e4 symétrie 2…Cc6 voyons voir 3.Cc3 symétrie 3…Fc5 4.Fc4 symétrie
Mort de rire a posteriori, le capitaine raconte alors que la joueuse de l’équipe adverse « avait deviné quelque chose de louche. La débutante s’est trahie très vite : hésitante dans sa façon de prendre les pièces, tournant la tête latéralement pour repérer les coordonnées des cases afin de noter les coups, la moins bien classée – mais la vraie joueuse – a tenté un piège ».
3…Dg5 Toujours la symétrie, mademoiselle ?
4.Dg4 eh bien oui, symétrie, comme ils me l’ont dit ! 4…Dg5xg4 gagne la gente dame et les blancs se firent prendre moult pièces avant un mat pitoyable.
Dépitée d’avoir joué si peu de temps par ce beau dimanche, la joueuse (victorieuse) en second proposa après la partie à son adversaire de faire « quelques blitz ».
La panélisée ignorait ce mot et prétexta un rendez-vous urgent avant de prendre congé de tous, billet en poche.
Son « équipe » avait perdu un vrai point de partie seulement. Elle n’a eu ni amende ni forfait. L’honneur est sauf et le règlement fédéral est respecté.
La finale du top 12 féminin (qui s’est déroulé ce week-end, 22 et 23 Juin 2013) a montré les limites du haut niveau en ce qui concerne les échecs au féminin…
Grosses pointures au 4e échiquier de deux des 4 équipes =
DE TALANCE Berenice 1433 (Vandoeuvre)
HIVERLET Berenice 1250 (juvisy).
Seul le club d’Evry réussit à réunir 4 fortes joueuses (dont Marie Sebag 8e mondiale et Sophie Milliet), remportant d’ailleurs le titre, ce qui est mérité.
Tout ça pour ça… Non, mais, allo ?
Nous n’avons pas réinscrit notre Nationale 2, pour la saison prochaine, faute d’avoir deux féminines disponibles. Nous gardons notre Nationale 3.
Bah, on a la même responsable des féminines depuis des siècles, et elle s’obstine à vouloir faire jouer les filles entre elles. Cela n’a aucun sens aux échecs.
Monsieur BOUTON,
Vous êtes décidément très bien renseigné !
J’apporte quelques petites précisions à votre récit : ce jour-là, il ne faisait vraiment pas beau…Il pleuvait des trombes d’eau.
Trouver une joueuse d’échecs acceptant de faire un déplacement d’environ 200 km, c’est déjà compliqué. Mais, sous la pluie, c’est mission impossible.
Quel est l’intérêt pour une joueuse classée 1300 de parcourir 400 km aller/retour, pour aller rencontrer une autre joueuse classée au mieux 1400 ?
La partie jouée sur ce fameux 8e échiquier est objectivement généralement sans grand intérêt et expédiée rapidement, obligeant les joueuses des équipes à attendre parfois 4 ou 5 heures que les autres joueurs aient terminé leurs parties pour rentrer à la maison.
Bref… Ce jour-là, impossible de motiver une joueuse d’aller tenter ce genre d’aventure.
Heureusement que le capitaine avait la solution… mais, une solution qui a un coût : 30 euros pour la joueuse chargée d’assurer une présence physique durant 30 minutes (et non pas 50 euros, faute de moyens financiers…) + le coût d’une licence = environ 75 euros au total.
Ce n’est pas donné, mais cela évite une pénalité trop injuste.
Par ailleurs, il n’y a rien d’illégal dans une telle pratique.
Vous avez très bien décrit la partie, mais vous avez oublié un détail savoureux :
l’apprentie joueuse devait proposer nulle au bout de 7 ou 8 coups ! En effet, une joueuse classée 1499 Elo, ça peut logiquement impressionner une joueuse classée 1200 ou 1300 Elo, du moins a priori.
Vous imaginez la suite ? Juste après la perte de la dame, la symétrie était rompue et désormais impossible. L’apprentie joueuse ne savait plus ce qu’elle devait jouer, notamment après Dxg2 suivi de Dxf2+
Elle proposa alors partie nulle comme convenu, et son adversaire sur le point de mater refusa logiquement.
Comprenant que la partie était perdue, elle abandonna.
Ceci dit, une vocation de joueuse d’échecs (comme dans le film « La Joueuse » où Sandrine BONNAIRE finit par gagner un tournoi en remportant une partie « d’anthologie » contre un fort joueur corse) est peut-être née ce jour-là.
C’est dure la vie de capitaine !
Surtout en ce qui concerne « l’échiquier féminin »… Cette simple appellation résume l’absurdité de la règle.
On oblige les clubs de N3 au top 12 à faire jouer une féminine, sous peine d’une sanction (point de pénalité assorti d’une sanction financière en cas de récidive) : c’est en quelque sorte une double peine.
Il y a en effet les clubs qui ont les moyens qui n’hésitent pas à payer une joueuse classée 1500 elo ou plus, quelques dizaines d’euros la partie…et il y a les autres clubs qui n’ont pas de gros moyens et qui peinent à chaque match pour trouver une joueuse ne serait-ce que pour éviter un point de pénalité.
Cette règle obligeant de faire jouer une joueuse dans l’équipe, peut se comprendre en N1 et dans le top 12, mais pas en N2 et encore moins en N3.
Quel est l’intérêt de faire disputer en N3 ou en N2 à chaque match une partie au 8eme échiquier entre deux joueuses ne dépassant pas 1500 ou 1600 elo le plus souvent ??
L’histoire que vous racontez Mr Bouton est à la fois drôle et un peu dramatique. Elle montre en tout cas très bien l’inutilité et l’absurdité de ce point de règlement.