Petit grand Karpov garde Le Cap

Echecs 64 n’était pas au Cap d’Agde mais a intercepté un journal presque intime d’un participant pas du tout imaginaire ou presque relatant à son président de club les bonus et malus de l’un des plus grands tournois français tant par la masse que par la qualité. La suite en exclu, en (bons) coups et en liens ? Suivez le guide.

Journal à mon président

Karpov est venu en invité spécial. A tel point qu’au tournoi rapide du Cap d’Agde, le trophée portait son nom. Parallèlement, la multitude, cette foule de 800 âmes, rivalisait avec le compteur d’un championnat de France.

Cher président, nous étions entre potes dans un centre de vacances du comité d’entreprise d’EDF-GDF ; beaucoup de participants sont des salariés de ces grandes compagnies nationales. Ils ne paient pratiquement pas la consommation de gaz ou d’électricité de leur foyer. Ils ont bénéficié d’un prix canon pour l’inscription et l’hébergement via leur comité d’entreprise.

Président, les autres, nous autres, sommes des joueurs allogènes. Sans lampe. Certains ont décroché une qualification dans un tournoi régional et paient l’hébergement à tarif réduit. Les moins chanceux sont au tarif bleu et paient plein pot. D’autres restent entre potes dans une location alentour, moins chère que le plein tarif appliqué dans ce centre de vacances aux couleurs et au mobilier des années 1970.

Rassure-toi, président bien-aimé, aucun de nous n’a choisi de dormir sous la tente dans un coin de la plage de nudistes toute proche.

Les cuisiniers du Cap
Celui qui a gagné le trophée n’est pas le petit grand Karpov. Ce sont les cuisiniers. Nous sommes en France et manger, c’est sacré. Mais manger autant matin, midi et soir tout en jouant sa partie et en suivant celles des champions, ce n’était pas bon pour le régime. Tant pis pour mes kilos, même les joueurs étrangers ont adoré.

Pas de sacrifice de qualité ni de quantité
Le Cap d’Agde est l’un des plus grands tournois en termes de masse en France. Il fallait nous voir, tous agglutinés autour des feuillets A4 lors des appariements. Que d’effluves ! La qualité ? Je n’avais jamais vu autant de grands champions d’aussi près. Deviner leurs coups, voir leurs mimiques dans le chaudron de la scène sous des lumières comme dans un music-hall, c’est magique.

Les prix gagnés par les champions et/ou leurs cachets ne sont ni connus ni affichés. Certaines années, ils étaient payés en cash. Mais ça, c’était avant, président.

Associons, associons
Le modèle économique de cette manifestation grandiose n’est exportable nulle part dans le monde par ces temps de restriction. Pour éviter toute contestation, une association loi 1901 a été créée. Elle gère et organise le tournoi qui sera annuel dorénavant. Le lien de la CCAS avec icelle ? Ce n’est pas important, président, mais ils ont l’air entre potes, c’est l’essentiel. Et petit grand Karpov a son nom accolé à ce « Trophée ». Il sera invité chaque année. C’est le chouchou du Cap pour notre plus grand bonheur.

Karpov, c’est du caviar
Président, Karpov nous a régalés. Son ventre trahit sa consommation excessive de pelmenis. Mais sur 64 cases, il fait un régime pour grossir ses points Elo. C’est épouvantable pour le moral de ses adversaires grands maîtres dont la plupart l’ont admiré ou l’admirent encore comme Ivantchouk.

Cette année, le roi Karpov est venu avec son « secondant ». Il s’est « préparé » avec Tchernaïev. Bonne pioche. Ce Russe a de faux airs du Karpov jeune : mâchoire serrée, peau laiteuse, regard d’acier. Et il a bossé pour son boss en affûtant les variantes. D’un coup d’œil, il sait tirer le meilleur des analyses nocturnes de Tchernaïev, un nom que l’on pourrait traduire du russe par « noireau ».

Karpov : Cap sommeil
Au Cap, Karpov s’est parfois levé vers midi comme souvent. C’est vrai qu’il adore la belote nocturne. C’est vrai qu’il ne rechigne devant aucune signature d’autographe. Mais des jeunes étaient voisins de sa chambre. Entre les batailles de polochon et le bazar dès le matin, le pauvre Anatoly a eu son sommeil de minuit et de midi tout perturbé. L’organisation a fait déplacer les jeunes ou Karpov, mais une solution a été trouvée dans la bonne humeur.

Pas de suspense, bon suspense
Bien sûr, dès le début du tournoi de parties rapides, aucune surprise n’était possible dans ce tournoi double-ronde qualifiant les quatre premiers pour un système à élimination directe : Ivantchouk et Karpov se retrouveraient finale. Les autres ? Françaises (Milliet, Sebag), Français (Bauer, Édouard), Chinoise (Ju) et Russe (Goryachkina) feraient et ont fait de l’honorable figuration.

Un commentateur sachant commenter sans son échiquier pour son public et non pour lui est un bon commentateur, tchachez-le
Après une victoire chacun avec les noirs dans la finale, le départage en 3 min + 2 sec n’aurait pas dû durer longtemps. Et pourtant, six parties ont été nécessaires. Elles ont produit plus d’émotion que de qualité, faisant perdre la boussole aux commentateurs français.

Du Nelson Monfort en pire. Ceux-ci ont été pitresques d’un bout à l’autre de la manifestation. Président, j’ai dépensé sur place 3 euros pour écouter « le meilleur du pire » alors contre peau de balle pour les internautes. C’était parfois drôle quand Péniblet laissait une pièce en prise ! Le seul à conserver pour l’an prochain est un certain Babar. Enfin, tout le monde l’appelle ainsi au Cap, on est entre potes.

Babar Kouatly est quand même grand maître. Avec son ton professoral à la Jospin, il se débrouille bien dans les généralités et les anecdotes quand il ne parle pas de lui. Avec un super GM commentateur à ses côtés comme Romain Édouard qui le reprenait poliment sur ses analyses de la veille où il s’était trompé énormément, ce sera le bon duo pour 2013. Ainsi, on entendra Moingt d’hérésies dans les analyses à la Péniblet qui, je dois le dire, nous ont bien fait Marek.

Le coup de la pendule
Une pendule a été changée en pleine partie alors qu’il ne restait que quelques minutes aux protagonistes. Et dire que les arbitres n’arrêtent pas de nous faire la morale. Il est vrai que certains étaient là, également présents sur une liste. Ya du hasard aux échecs ?

Bulletins impayables
Président, toi qui es un as du mulot, je te mets en lien la page des bulletins (colonne de droite) où tu revivras tous les aspects de ce tournoi populaire qui cherche à porter des valeurs et à rassembler les avaleurs (de variantes). Ces bulletins impayables car gratuits en téléchargement sont chouettes et à conserver.

J’espère te voir l’an prochain au Cap. Ce n’est pas une année d’élection, tu pourras venir sans te faire draguer. Je veux dire par les candidats à l’élection. A bientôt au club ! 

Une finale mémorable
La partie la plus spectaculaire de la finale Karpov-Ivantchouk restera la première partie. Karpov a les noirs. Il a « gratté » les cases une à une dans un début où Ivantchouk n’a pas cherché le débat dans l’ouverture et a joué un double fianchetto. Au 60e coup, la finale T + C contre T, théoriquement nulle, est atteinte.
Président, des 2300 Elo m’ont assuré que dans la pratique, cette finale n’est pas si facile à défendre et que ce n’est pas assez écrit dans les manuels. Et encore moins dans une partie rapide. Les thèmes de cette partie sont extrêmement instructifs.

Résultats des autres tournois sur le site Capechecs ainsi que les parties à télécharger.

Tables de Nalimov (finales de moins de 5 pièces)

P.S : 3 séries de 2 parties de départages ont été nécessaires pour départager les champions. Karpov gagne la dernière série avec une nulle et un gain.

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