Le Cap d’Agde : le mur du çon en moins
C’est la magie du direct. Mélanger l’émotion et la bonne évaluation, voilà toute la difficulté pour commenter une partie d’échecs. La paire Geuzendam (New in Chess)-Short ou Geuzendam-Svidler s’en était parfaitement tirée lors du Mémorial Tal. On peut citer également les GMI britanniques Flear ou Conquest, rompus à l’exercice et de plus parfaitement bilingues. D’ailleurs Conquest a déjà exercé ses talents au Cap.
Mais cette année, les budgets devaient être serrés. Interdit de rire. Les organisateurs ont embauché un pote. Un non titré, pas même titré dans un comité de la Fédé, mais pourtant un cacique classique présenté comme le « chroniqueur d’Europe Échecs ». Pas grave si ledit chroniqueur a fait sa fête à Marie Sebag dans EE. Sur place, ils s’ignorent superbement.
Le direct est, paraît-il, plein de « euh ». N’est pas Robert Fontaine qui veut. Et pourquoi ne pas inviter un commentateur compétent ? Parce que nous sommes en France. Entre potes. La magie du direct. L’émotion coco, tu comprends ?
Lu dans le bulletin n° 3, ces évaluations à l’emporte-pièce, simplement réfutées. Avec un budget monstrueux, le Cap d’Agde non seulement inflige aux internautes un commentateur faible techniquement, drôle cependant (« quand on prend des risques, on peut perdre »), mais ne lui procure même pas une attelle de silicium : un moteur d’analyse pour l’aider dans ses commentaires affligeants.
Et dire qu’il faut payer 3 € le casque sur place. Vivement l’année prochaine : je vote pour le retour de Conquest. Il est drôle, modeste et pertinent.
« Goryachkina s’est fait massacrer par Marie Sebag… »
Faux. A plusieurs reprises, elle avait de la ressource, notamment avec 18.Cf5 !, un coup de défense d’ordinateur.
« L’ouverture s’est jouée assez vite. La jeune Russe a très mal disposé ses pièces, notamment son Fou en d3. »
Vrai.
« Marie a joué avec une grande précision. »
Faux. Marie Sebag laisse la jeune Russe revenir avec 27.Td8 ! quitte à jouer avec les deux tours contre la dame et les blancs ont encore des chances.
Rebelote avec 29.Dc2 ! qui tient la maisonnette.
Dans la phase finale, alors que c’est complètement gagné et que la Russe joue avec moins d’une minute contre 2 à la Française, cette dernière loupe trois coups consécutifs de massue : 36…Td6 !, 37…Txg3+, 38…Dc2 ! (imprenable à cause du mat et suivi de …Td1).
« Il y avait quelques difficultés techniques, mais avec l’attaque à l’aile-Roi, c’était assez facile. »
Vrai. Lui, son tic, c’est : ‘facile’.
Et ça continue :
« Dans la partie Édouard-Ivantchouk, on a compris très tôt que les joueurs seraient assez satisfaits par le partage du point (…) Romain a vraiment joué « petit bras » avec les blancs. Il n’avait qu’une idée en tête : neutraliser Ivantchouk. »
Rien de « honteux ». C’est un tournoi fermé double ronde qualificatif et prendre une nulle contre un favori est un bon résultat. Mais le commentateur n’a peut-être pas lu le règlement ou a demandé des conseils à son collègue Péniblet…
P.S : Pour voir la partie (et les autres), c’est trop « facile » : la page est un peu planquée sur le site officiel, elle est ici.
Je viens de suivre aujourd’hui le premier match des demi-finales entre Wenjun Ju et Ivanchuk.
Heureuse surprise, le « streaming en direct », inerte chez moi pendant toute la première phase, fonctionne enfin ! Je ne serai pas contraint de deviner les commentaires chuchotés en anglais (de G. Flear, je crois…).
A vrai dire, je me demande si c’est vraiment préférable. Les propos basiques de J.C. Moingt sont assortis des remarques, souvent ineptes, d’un certain Yves Marek, dont on se demande ce qu’il peut bien faire ici.
L’imposteur s’obstine à proposer Ca5 pour Ivanchuk pendant une dizaine de coups, malgré le bon sens aveyronnais de son complice qui lui rétorque qu’après b3 ça ne conduit nulle part.
Heureusement, l’intervention d’un certain Bachar K. remet de l’ordre dans cette chienlit. L’individu est grand-maître et les commentaires s’en ressentent.
Cerise sur le gâteau, la retransmission plante au 29e coup, mais le streaming permet de suivre à peu près la fin de partie, nous gratifiant au passage du curage de nez d’Ivanchuk et de ses arrachements de sourcils, l’Ukrainien n’ayant pas exploité au mieux son avantage.
Tout cela est assez pitoyable : rendez nous Stuart Conquest !