Kasparov ambassadeur des échecs à l’école

Garri Kasparov jouera samedi 17 septembre à Clichy-la-Garenne un match exhibition de parties rapides contre le GMI d’Évry (selon la FFE mais de Clichy selon les organisateurs!) Maxime Vachier-Lagrave et champion de France en titre, et le GMI de Clichy Laurent Fressinet. L’annonce a été faite sur le site de la Fédération sans que la cadence ni le nombre de parties ne soient précisés. En parties rapides, même avec un Kasparov rouillé et en retraite, ce devrait être une boucherie.
Internaute enthousiaste, inutile de te précipiter pour voir le match dans la municipalité banlieusarde dont le membre du bureau fédéral Jean-Claude Moingt est adjoint… à l’Éducation et à la Communication: les places — toutes gratuites — ont été distribuées par la FFE après réservation par courriel sur le mode ‘premier arrivé, premier servi’. Heureusement, les parties seront retransmises sur l’Internet sans différé , de 19h à 21h.

Après des visites dans de nombreux pays dont le Brésil, Kasparov continue son tour du monde pour vanter les vertus cognitives de l’enseignement des échecs à l’école au travers de sa Fondation dont le site est minimaliste au niveau du contenu.
Selon le directeur général de la FFE Laurent Vérat, Kasparov « m’a fait la demande de venir quelques jours en France avant son intervention sur « Chess in Schools », au Parlement Européen le 20 septembre. Il défendra auparavant la cause des échecs à l’école devant plusieurs ministres et personnalités français, ainsi que devant la presse nationale ».

Le sujet a déjà été abordé par Michel Noir dans une thèse, mais Kasparov a un projet mondial. La FFE « lui a préparé son planning », et son plan media. Bon.

Kasparov rase gratis
Kasparov, toujours selon la fédération, serait venu gratuitement, notre fédé lui payant quatre nuits d’hôtel. Dans la phraséologie inimitable de Laurent, cela donne: « Kasparov souhaitait également prendre une licence à Clichy, ville dont il est déjà citoyen d’honneur, et qui abrite un club d’échecs qu’il semble apprécier. »

Clichy, Clichy, Clichy
Si Kasparov est venu gratuitement, pourquoi Clichy plus qu’un autre club? Ah! c’est vrai, il « semble apprécier » ce club. Alors, la FFE s’y met aussi. Retransmission en direct? On fait monter à Paris le préposé spécialiste. Il en est ravi paraît-il.
Commentaires avec casque? La voix des maîtres avec Jicé lui-même et un maître de Clichy par ailleurs président de la commission technique.
Gestion des spectateurs? Faite par une salariée fédérale chargée de la comm’.

Comme aux échecs, il faut avoir une vision spatiale et le sens du timing. Kasparov était déjà passé pendant le championnat d’Europe à Aix-les-Bains alors qu’il était en visite en Suisse à l’invitation du président fédéral (à l’époque) Jicé Moingt. Jicé fut membre actif du ticket Karpov (et Kasparov en soutien) contre Ilioumjinov lors des élections à la FIDE.
Récemment, Jicé vient de rejoindre le candidat aux primaires socialistes et maire… d’Évry, Manuel Valls.

Et les échecs à l’école dans tout ça?
En France, ils vont assez bien et assez mal, merci. Assez bien: nombre d’enfants sont touchés par l’enseignement des règles ou des cours d’initiation en primaire. C’est une option payante, mais souvent sans suivi, du moins à Paris. Un enfant accro doit laisser, l’année scolaire suivante, sa place à ceux ou celles qui ont choisi cette option. Dans les classes, les cours s’apparentent souvent à une garderie.

Les vertus pédagogiques sur le papier font face à la dure réalité du terrain: la plupart du temps, aucune synthèse ou rapport de suivi n’est publié alors que bien souvent, ces cours sont financés en partie par de l’argent public.
Le déchet est énorme et ce qui reste dans nos chères têtes blondes n’est pas mesuré.

Quant au lien entre ces cours et les clubs locaux, les ligues ou comités départementaux ne publient pas d’information à ce sujet. Pour tout dire, il n’est pas évident voire absent. Pourtant, les échecs à l’école sont un argument politique de poids et permettent d’engranger des subventions.

De ce point de vue, la venue de Kasparov et son aura feront peut-être briller toutes les initiatives prises dans l’Hexagone. Le plus paradoxal, c’est que notre nation de Gaulois produit des pépinières de talents depuis les années 1980 sans que le jeu soit populaire malgré cinq matches Karpov-Kasparov à la Une (dont une moitié à Lyon) et sans que la masse des joueurs de compétition ne soit correctement formée dans les finales et le milieu de jeu comme en Russie.