La forfaiture des ‘forfaitistes’

Ils sont nombreux et impunis dans les tournois open: les ‘forfaitistes’. Cette maladie incurable et assez répandue touche plus souvent les gros Zelo; elle est plutôt limitée à des tournois se déroulant dans leur zone d’habitation. Le modus operandi est toujours le même: le gros Zelo, professionnel, semi-professionnel, petit professionnel ou amateur débute son tournoi avec un moral de ‘gagniste’. Mais il prend une bulle; puis deux, parfois trois.

Variante: Il perd contre un beaucoup moins fort. La vie est injuste! De ‘gagniste’, il passe à défaitiste. Et puis, c’est trop. Il se découvre un mal de tête, une fatigue soudaine, un manque de forme, une belle-mère insupportable… Bref, n’importe quoi pour abandonner le tournoi, et le pompon, le plus souvent sans prévenir l’organisateur.

Conséquence: il a été apparié et son adversaire a un ‘manque à gagner’: il joue une partie de moins que les autres et sa victoire par forfait ne compte pas pour le Elo.
Cette pratique antisportive (ah bon, le jeu d’échecs est ‘sport’?) est répandue, impunie et la FFE ne prend aucune mesure coercitive. Qui sont les forfaitistes les plus connus voire compulsifs? Quelles mesures pourrait-on prendre? Cliquer ligne suivante pour voir ces génies du forfait, notamment dans l’open FIDE du récent championnat de Paris.

J’étais content de jouer l’open A du championnat de Paris. Pas seulement parce quil constitue l’un des rares tournois de 9 rondes sur 9 jours que je puisse jouer. La section FIDE regroupait un lot impressionnant d’Indiens, l’ancienne championne du monde Zhu Chen et son mari; leur petite fille se promenait dans les travées en attendant papa et maman. Quelques jeunes Français promettaient, la championne péruvienne Cori était là également.

Ach! Parisss! Que c’est beau, même au Stade de Coubertin sous une chaleur étouffante. Les champions étrangers avaient sûrement prévu de faire du tourisme puisque toutes les parties jouées en semaine débutaient à 19 h. Et nous, on allait se régaler. Mais un phénomène a gâché la fête, en plus des pendules volées et de linsulte de Shirazi à un arbitre: les forfaits.

74 au départ, 12 forfaitistes en fin de tournoi!
L’open FIDE: 74 participants à plus de 2200 Elo (hormis quelques jeunes), 12 GM et 19 MI: avec les maîtres FIDE, la moitié des participants sont titrés. Chouette. A l’arrivée? 12 forfaitistes ont quitté le tournoi avant la 9e ronde!

Le premier: Draoui, après 2 rondes, ne prévient pas et repart planter ses salades. C’est un multi-récidiviste. Les autres récidivistes récidivent joyeusement en prévenant ou pas: le GMI Chtekatchev (tiens, il aurait dû essayer de faire forfait au tournoi précédent au Maroc lol!), le junior Guilleux, Jablonski, Strugnell, le chasseur de normes Debray (également forfaitiste au récent tournoi de Juvisy), le MI Nguyen Chi-Minh et, plus surprenant, le MI Shoker qui n’a sûrement pas voulu entamer son capital de points Elo. N’oublions pas le multi-récidiviste Shirazi, exclu du tournoi pour insulte à l’arbitre: son dernier forfait remontait également au tournoi de Juvisy.

Que prévoit le règlement?

En principe l’arbitre, en cas de forfait non justifié, doit écrire une lettre au forfaitiste et lui demander une justification. Non justifié veut dire, en langage fédéral: ‘J’ai pas prévenu, m’sieur!’ Dans la pratique, je n’ai jamais entendu parler de sanction en cas de non-réponse ni de sanction tout court. Si le joueur se prétend malade, qu’il produise un certificat médical!

Le forfait en prévenant l’arbitre dépasse mon entendement: par cette pratique, la Fédération ferme de fait les yeux sur une pratique antisportive au prétexte que ce joueur ne figurera pas dans les appariements du lendemain. Pour moi, c’est une complicité ridicule.

Sauf cas de force majeure, pourquoi faire forfait dans un tournoi? Cela n’arrive qu’aux joueurs qui perdent ou qui ne se réveillent pas à la dernière ronde. Faire un tournoi d’échecs, ce n’est pas le bagne, même dans un gymnase quand il fait très chaud. Je n’ose pas imaginer le mépris qu’aurait Kortchnoï sur ces pratiques malheureusement si courantes sur le circuit français, lui qui a dû se battre pour justifier sa place de maître et de grand maître.

Quelles sanctions appliquer?

Laissons sans rire la Fédé fédérer! Mais un arbitre du championnat de Paris a eu une approche radicale et ingénieuse sur la chose: « C’est comme les excès de vitesse: on ne te retire pas ton permis de conduire tout de suite, mais quand tu es flashé, tu paies l’amende d’abord et tu contestes ensuite. Si tu es disculpé, on te rembourse. Selon moi, on devrait systématiquement infliger une peine de 3 mois de suspension de licence pour tout forfait non justifié. Cela calmerait les ardeurs. Aujourd’hui, on voit plein de forfaits parce que les gars savent qu’ils ne risquent rien. Et pas question de produire des certificats médicaux bidon, le forfait doit vraiment être justifié. De plus, je pense que les organisateurs devraient se donner le mot sur ces maîtres récidivistes et ne plus les inviter dans leur tournoi. »

Punir par le classement Elo?

Au-delà de l’image déplorable de ces forfaits, il faut aussi réaliser que dans la majorité des cas, les forfaitistes sont des joueurs titrés. Ils ne paient donc pas l’inscription (pourquoi d’ailleurs?). Ils font forfait car ils estiment ne plus pouvoir gagner de prix mais aussi pour limiter la casse sur la perte de leurs points Elo. Alors, il faudrait également taper là où cela fait mal: le Elo.
Tout forfait implique la perte de la partie. Pour l’instant, cette défaite ne compte pas pour le Elo. Elle devrait compter négativement pour le forfaitiste et bénéficier à celui qui a attendu 1 heure, dépité, que son adversaire vienne.
Le forfait de la dernière ronde
est également très populaire: vous savez, celle du matin où l’on ne se réveille pas à midi. Elle débute à 9h, 10h ou 11h selon les tournois. C’est trop tôt pour certains. Tôt c’est trop…