Lautier, champion du monde junior 1988: flashback

Lautier champion du monde junior à Adélaïde, cela vous parle? C’était en 1988, et la nouvelle nous parvint du bout du monde. Le niveau n’avait rien à voir avec un championnat du monde d’aujourd’hui, mais les meilleurs cadors de la planète étaient là. Ex aequo avec de gros calibres d’URSS, Joël fut non seulement le premier Français à rafler un tel titre, mais aussi le le plus jeune champion du monde junior tout court : 15 ans tout mouillé. Ce titre, il le dut à une volonté exceptionnelle pour son âge et dont il ne se départit pas dans la suite de sa carrière et aussi à un petit ou gros « morceau de chance » comme on dirait en anglais. Hormis une victoire indispensable avec les noirs dans une finale ajournée avec D contre T+pion, il fallait aussi que les résultats des premières tables lui soient favorables. Son père présent sur place sur la fin du championnat, estimait ses chances à 1 sur 84. Ce championnat avait en effet la particularité d’avoir opté pour un départage au plus grande nombre de victoires! Et tout se passa comme dans un rêve ou presque.
Points communs entre ce championnat remporté par les deux Français: il se jouait à l’autre bout du monde, Eric Birmingham a travaillé avec les deux joueurs – il était secondant de Joël –, et une firme immobilière se déclara sponsor des deux zigues peu de temps après leur titre.

Parcours progressif avec score et Elo des adversaires et ce que son devenus ses covainqueurs:tablo_prog_lautier_adel1988.doc

Les 13 parties de 1988  (à remettre en pgn via txt): lautier_adel_w.doc

Cliquer ici même pour lire les potins de l’époque, les réactions indignées parfois, la remise d’une médaille par un certain Jacques C., et le problème toujours actuel du non partage du titre dans cet open de 13 rondes assez aléatoire. Sinon, lire en piqûre de rappel le parcours de Maxime Vachier-Lagrave au championnat du monde 2009 dans ce bli-blague.

Une dernière ronde de miracle où seul cet appariement donnait le titre au jeune Français : le plus départage s’opérait par le plus grand nombre victoires. Score final de JL : 9 sur 13 (+8 =2 -3). Il termine à égalité avec les trois Soviétiques Guelfand, Ivantchouk et Serper.

Les informations suivantes ont été puisées dans L’Almanach des échecs 1988 (Bouton, Mercier chez Payot), un livre épuisé aujourd’hui.

Accompagnateur de Joël: Eric Birmingham (2365 Elo et 2 normes de MI)
Les compères ne sont pas sur la liste des joueurs/entraîneurs; ils arrivent deux jours à l’avance. Le DTN François Chevaldonnet s’est trompé dans les dates, vieilles d’un an. Consolation: visite d’un zoo et caresses d’un kangourou.

Lautier médaillé par Jacques C…
Joël Lautier devenait ainsi le plus jeune champion du monde junior de tous les temps… à l’époque à 15 ans.
Médaille : JL a reçu à son retour la médaille commémorative de la Ville de Paris remise par le maire Jacques Chirac, en l’absence de tout représentant officiel de la FFE.
…mais furax
« Les sélectionneurs ont été nuls. Dans n’importe quel autre pays, on aurait mis dans l’équipe olympique un jeune qui venait de faire une telle performance » (Europe Echecs, décembre 1988)

Grassement Grasset
Europe Échecs n° 359 sous la plume de son directeur Raoul Bertolo par ailleurs président de la FFE annonce que « la direction de la revue a tenu à contribuer à ses futurs succès en informant Joël qu’une bourse de 50 000 francs (environ 7600 euros) lui était affectée (…). Bien vu, mais cet argent fut payé par les éditions Grasset et ce que Bertolo ne dit pas, c’est que JL toucherait 10 000 francs par tournoi fermé joué en France.

Le mot de la fin sur les covainqueurs par le MI Donaldson dans (feue) la revue Inside Chess, fondée par le GMI Seirawan :

Titre : Lautier dérange au cht du monde junior
La victoire ex aequo avec trois Soviétiques (tous à 9 points sur 13) du jeune maître FIDE français Joël Lautier (15 ans) restera une surprise marquante dans l’histoire des championnats du monde junior. Classé n° 19 avec 2365 Elo sur 50 joueurs dont 16 MI, Lautier devient le plus jeune champion du monde de tous les temps (…) Même s’il est bien, d’un point de vue promotionnel, d’avoir un seul champion du monde junior, la FIDE devrait déclarer les vainqueurs co-champions… et assumer, bien sûr, qu’il n’y a jamais de temps pour jouer un match de départage. Les systèmes de départage, indépendamment de la façon actuelle de jouer et même s’ils sont bien intentionnés, sont par essence capricieux.