Le phosphore et la géographie

Scène de bus hier : une ado explique à sa grand-mère combien il est dur d’écrire ‘phosphore’. Selon elle, il y a deux ‘f’ et c’est naturel. La grand-mère la houspille : « Au début, c’est ‘pé-hache’, mais après j’ai un doute. » Plongé dans Play 1…b6 du grand maître français Christian Bauer, je me mets alors à ‘phosphorer’. Constat : mon ignorance géographique à propos de bon nombre de villes citées dans les références échiquéennes du livre que j’ai entre les mains. Le doute datait de l’après-midi même : j’avais vérifié dans un atlas grand comme un échiquier où se trouvait Sotchi exactement, là où se déroule actuellement le championnat de Russie par équipes (clap, clap, à suivre absolument).

Phosphore, phosphorer… à quoi pense-t-on pendant une partie ? En général à un tas de choses inutiles et parasites. Personne ne l’écrit, mais c’est la réalité. Cela peut aller du souci de la veille à la musique préférée ou à rien du tout en attendant le coup adverse. Quel temps réel passe-t-on à calculer les variantes ? Tiens, cela mériterait une vraie enquête avec des mesures et tout et tout. Et les grands maîtres, comment font-ils ? Prenons Chirov. Avec ses trois attitudes typiques il a de quoi nous donner des complexes : 1) rouge comme un écrevisse, il se prend la tête comme pour appeler ses neurones à la rescousse. 2) Il déambule en mâchant son stylographe, coolissime. 3) De temps à autre, il regarde encore en l’air ou légèrement de côté (à la Karpov), son cerveau continuant de voir des constellations de variantes. Kortchnoï ? Quand il se lève, il est souvent trop tard pour son adversaire. Topalov : presque comme le précédent avec ses mains sous la table donnant l’impression de vouloir dévorer les pièces adverses. Bon, tout cela est un peu fumeux et compliqué quoique étudié du temps des Soviétiques. Sur ce, je retourne à mon a bouquin de Bauer pour me perfectionner en géographie.